Lettre ouverte à la Cour Suprême de l’Union des Comores. Ces décisions soulèvent de nombreuses questions juridiques et, au-delà de l’aspect légal, met
Lettre ouverte à la Cour Suprême de l’Union des Comores
À l’attention de la Section Constitutionnelle et Électorale de la Cour Suprême
Objet : Des décisions illégales et contraires à la Constitution, une menace pour l’unité nationale et une lourde responsabilité pour la Cour
Date : Vendredi 03 janvier 2025
Je vous écris cette lettre ouverte, animé par une profonde inquiétude et une grande responsabilité, concernant les récentes décisions de votre institution, notamment l’invalidation des candidatures de M. Daoudou Abdallah Mohamed et M. Zabiddine Nafion aux élections législatives par votre DÉCISION N°24-005/CS arrêtant la liste définitive des candidats retenus pour l'élection des députés à l'Assemblée Nationale du 12/01/2025 et du 16/02/2025.
Ces décisions soulèvent de nombreuses questions juridiques et, au-delà de l’aspect légal, mettent en péril la stabilité de notre pays et l’unité nationale.
Le cadre légal : Une exigence limitée à l’inscription sur la liste électorale
La loi organique n°23-004/AU du 2 mars 2023, relative à l’élection des représentants de la Nation, stipule clairement dans son article 3 que les candidats aux élections législatives doivent être inscrits sur la liste électorale. Cette exigence, claire et non sujette à interprétation, ne contient aucune mention d’une obligation pour les candidats d’être inscrits sur la liste électorale d’une circonscription particulière ou d’une île spécifique. Elle se limite uniquement à la condition de figurer sur une liste électorale valide, ce qui garantit que tout citoyen ayant des droits civiques peut se porter candidat. Cependant, il semble que la Cour Suprême ait appliqué des critères empruntés à d’autres scrutins, en particulier :
1. Pour les gouverneurs :
L’article 314 du Code électoral impose une condition spécifique pour les candidats à l’élection du gouverneur d’une île, à savoir qu’ils doivent être inscrits sur la liste électorale de l’île concernée depuis au moins six mois. Cette exigence repose sur la nature même de cette élection, où le gouverneur est le représentant exécutif de l’île.
2. Pour les conseillers municipaux :
L’article 331 du même Code stipule que tout électeur d’une commune est éligible au Conseil communal à condition de jouir de ses droits électoraux. Cette disposition va plus loin en permettant également aux citoyens qui ne résident pas dans la commune, mais qui y acquittent l’impôt local, de se porter candidats.
Ces distinctions montrent bien que les critères d’éligibilité varient en fonction du type d’élection et des responsabilités liées au mandat visé. Or, l’élection des députés à l’Assemblée nationale est régie par des règles bien distinctes, qui ne comportent pas de condition géographique stricte.
La réapparition du séparatisme : Une menace pour l’unité nationale et une haute trahison
Le préambule de notre Constitution affirme avec force son opposition fondamentale au séparatisme et à toute action portant atteinte à l’intégrité territoriale et à l’unité nationale. Pourtant, en invalidant la candidature de M. Daoudou Abdallah Mohamed aux élections des représentants de la Nation, en raison de son inscription électorale dans une autre île, votre décision réintroduit insidieusement une logique séparatiste que notre nation a pourtant rejetée depuis longtemps.
Cette décision rappelle tristement une époque où le séparatisme divisait notre pays, mettant en péril son existence même. En agissant ainsi, la Cour Suprême trahit non seulement les principes fondamentaux de notre Constitution, mais aussi les sacrifices consentis par les Comoriens pour restaurer l’unité et l’intégrité de la République. Une telle trahison, venant de l’instance censée protéger notre État de droit, ne peut être perçue autrement que comme une haute trahison envers la souveraineté populaire et l’unité nationale.
La Cour, en prenant des décisions qui réactivent les germes du séparatisme, risque de briser l’élan d’unité nationale et de rallumer les tensions que nous avions courageusement surmontées. Il est impératif que cette dérive soit corrigée avant qu’elle ne conduise à une désintégration irréparable de notre tissu national.
L’impact de vos décisions sur l’unité nationale
En rejetant les candidatures de M. Daoudou Abdallah Mohamed et M. Zabiddine Nafion, vous appliquez des critères géographiques qui ne sont pas justifiés par la loi, et qui ne font que raviver des tensions anciennes. Ces décisions risquent d’alimenter des sentiments de mécontentement et de division, alors que la Constitution, elle, prône l’unité et la solidarité entre les Comores. Vous êtes, de par vos fonctions, les garants de cette unité, et c’est à vous qu’il incombe de veiller à ce qu’aucune décision ne mette en péril l’intégrité de notre territoire.
La responsabilité pénale de la Cour suprême pour usage de faux
Lors des élections récentes des gouverneurs, un cas préoccupant a vu un candidat du régime présenter un document falsifié, prétendant qu’un opposant avait été condamné par la cour de sûreté de l’état, alors que cette information était totalement fausse. Ce document a été accepté par la Cour, ce qui constitue une grave négligence dans le processus judiciaire. La falsification de documents est un acte illégal, et l’acceptation d’un tel document par une autorité judiciaire expose la Cour à des poursuites en vertu de l’article 101 du Code pénal, qui punit sévèrement l’usage de faux. Il est impératif que la Cour prenne conscience de sa responsabilité dans ce genre de situation, car elle est tenue de garantir la légalité et l’intégrité des documents sur lesquels elle base ses décisions.
Le cas Mélenchon : un précédent juridique pertinent
Il convient également de faire référence au cas de Jean-Luc Mélenchon, leader politique français, dont la candidature a été validée aux élections présidentielles françaises, bien qu’il ne remplissait pas les conditions géographiques d’inscription sur la liste électorale de sa circonscription. Cette situation a soulevé des interrogations, mais la Cour a validé sa candidature en soulignant que le principe d’égalité devant le suffrage universel prime, indépendamment de certains critères géographiques. Ce cas, bien qu’évoluant dans un cadre juridique différent, est pertinent pour souligner que les conditions d’éligibilité ne doivent pas être interprétées de manière arbitraire ou excessive, et que les droits des citoyens à se présenter aux élections des représentants de la Nation doivent être protégés de toute restriction injustifiée.
La responsabilité historique de la Cour
Monsieur le Président, Mesdames et Messieurs les Membres de la Cour,
votre institution porte une responsabilité historique. En prenant de telles décisions, vous ne vous contentez pas de juger des candidatures ; vous mettez en jeu l’avenir de notre pays, la paix sociale, et l’unité nationale. Si vos décisions conduisent à une crise politique ou à des troubles sociaux, la responsabilité vous en incombera pleinement. La colère qui gronde dans le pays est le reflet d’une profonde incompréhension et d’un sentiment d’injustice qui risque de se transformer en violence.
Un appel urgent à la révision de vos décisions
Je vous appelle, dans l’intérêt de la paix et de l’unité des Comores, à revenir immédiatement sur vos décisions. La Constitution de notre pays exige que la justice soit rendue dans le respect des principes d’égalité, de transparence et d’équité, et non en fonction de critères politiques ou divisifs. Vous devez garantir que le processus électoral reste impartial et inclusif pour tous les citoyens, sans exception. Vous avez la responsabilité de rectifier cette situation avant qu’il ne soit trop tard, car chaque décision prise dans ce contexte aura des conséquences durables pour notre nation.
Conclusion
Votre responsabilité est immense. Les Comoriens comptent sur vous pour respecter la loi et protéger l’unité nationale. Si vous persistez à valider des pratiques arbitraires et des critères divisifs, l’histoire vous jugera. Il est encore temps de faire preuve de discernement et de revenir à la raison, en agissant conformément à la Constitution, afin de préserver la paix et la cohésion de notre pays.
Il est important de rappeler que la Cour Suprême des Comores n’est pas là pour servir les intérêts d’un individu, fut-il celui qui vous a nommés, mais bien pour protéger et servir le peuple souverain des Comores, conformément aux principes de la Constitution et à la justice. Vous êtes les garants de la démocratie et de l’unité nationale, et il vous revient de faire en sorte que ces principes soient respectés dans toutes vos décisions.
Nous comptons sur vous pour que la justice soit équitable, pour que l’unité nationale soit protégée, et pour que les Comores restent unies et fortes.
Avec respect et détermination,
A. Galela
Professeur de mathématiques
France
Émail : galela@wanadoo.fr
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