Le balai touristique se poursuit sur l’île comorienne de Mayotte. En 1974, après avoir renvoyé de l’île de Maoré tous les comoriens qui avaient voté p
Le balai touristique se poursuit sur l’île comorienne de Mayotte
Après le passage de plusieurs ministres français sue l’île de Maoré, c’est au tour de la Présidente de l’assemblée d’y effectuer un court passage. Peut-être, afin de s’assurer de visu si ses prédécesseurs relatent fidèlement les faits. Des témoignages d’habitants de l’île de l’océan indien prouvent l’inefficacité et l’insuffisance des aides annoncées sur toutes les ondes par des ministres interchangeables de la parole. Rappelons que la France est un pays qui se trouve sur le continent européen.
Lors d’un précédent siècle, les dirigeants de ce pays se sont autoproclamés propriétaires d’immenses et nombreux territoires qui se trouvent sur d’autres continents et océans, s’appuyant sur un drapeau hissé par un de ses navigateurs. Depuis longtemps et encore maintenant, les responsables politiques français donnent des leçons à d’autres peuples en s’appropriant la raison, la réflexion et la seule civilisation qui aurait droit de cité.
Plusieurs pays continuent de payer cette arrogance de nos jours. Cette grande France, pays de déclaration des droits de l’homme, comme aiment le rappeler les élus français, s’érige en pays démocratique. Depuis les dernières élections législatives, le gouvernement est composé de ministres issus des partis qui ont perdu ces élections.
Le mépris découlant de cette arrogance pourrait expliquer l’incapacité du personnel politique français d’entendre, d’écouter et de prendre en compte les points de vue des peuples considérés comme moins ou non civilisés. Cette attitude qui a abouti à de multiples répressions, inégalités devant le droit ou des massacres. Ces catastrophes ne semblent avoir aucune importance ni influence sur les politiques menées par plusieurs successifs présidents, gouvernements ou parlements de ce pays européen.
Que va apporter de plus la Présidente de l’assemblée nationale française aux habitants de l’île de Maoré ? Après avoir agi de manière à ce que son déplacement soit connu des médias deux jours avant le départ, elle va saturer les journaux pendant son séjour et le cycle et le cirque vont recommencer avec d’autres. Quel est l’intérêt de ce voyage pour les habitants de l’île ? Va-t-elle annoncer comme les autres, des propositions irréalistes et irréalisables sur l’école, l’aide aux êtres humains qui souffrent et rajouter que c’est l’immigration qui crée le chaos. Non, c’est l’État français qui est responsable du bordel qui règne sur l’île depuis cinquante ans.
En 1974, après avoir renvoyé de l’île de Maoré tous les comoriens qui avaient voté pour l’indépendance, l’État français a organisé deux référendums illégaux (comme ceux de la Russie en Ukraine) et les résultats furent dignes des régimes totalitaires. Il serait intéressant que les archives deviennent publiques afin que nous obtenions la liste des votants. Aux Comores comme en Kanaky, les méthodes utilisées se ressemblent-elles ? Pour que la France gagne ? Au détriment des peuples colonisés ?
Le chaos, c’est l’État français qui l’a installé. Entre 1974 et 1995, les comoriens de l’Archipel pouvaient circuler librement entre leurs quatre îles (Ngazidja, Ndzouani, Maoré et Mwali). Une visite de la famille par ci, une participation à une manifestation religieuse ou culturelle par là, et chaque comorien retournait dans son île respective, assuré qu’il pouvait revoir leurs frères, sœurs, parents ou amis dès qu’une autre occasion de rencontre se représentera.
Et pan, Zorro Balladur arrive, instaure un visa comme colon, pour tous les comoriens qui souhaiteraient rendre visite à un membre de leur famille, un ami ou tout simplement se déplacer sur un territoire qui est le sien. La France qui avait décidé d’accorder la nationalité à une partie des comoriens empêche des personnes d’une même famille de se rencontrer. Est-ce le droit lorsqu’un ancien pays colon interdit des personnes de la même famille de se rencontrer ? Les conséquences furent terribles.
Des milliers, des dizaines ou centaines de morts entre îles de Ndzouani et Maoré parmi les comoriens qui essayaient sur des bateaux de fortune de traverser les soixante dix kilomètres qui séparaient les deux îles. Une décision absurde prise par des gens sensées raisonnables dans un pays situé en Europe va tuer des hommes, des femmes et des enfants dans l’océan indien. Où sont les droits de l’homme dans des décisions si bêtes et criminelles ?
2011: Un président français prend la décision de départementaliser l’île de Maoré. Je vis sur le territoire. Un sentiment d’incompréhension et de stupéfaction envahit toute personne clairvoyante. Pous quelle raison, les assemblées françaises de députés et sénateurs valident-ils une décision si absurde ? Des raisons électorales peut-être ? Mais ce n’est pas suffisant pour entraîner les habitants de l’île vers l’inconnu et le chaos. Il persiste jusqu’à maintenant.
Et depuis, la droite comme l’extrême droite ont trouvé leurs bouc-émissaires idéaux et habituels. Ce sont les immigrés clandestins qui représentent la source de tous les malheurs des habitants de l’île. Nous pourrions en rire, mais non. Des vies sont en jeu, des hommes, des femmes et des enfants meurent suite à des décisions d’autres êtres humains qui ne pensent qu’à leur intérêt personnel et brandissent celui de leur pays comme totem. Les comoriens sont chez eux sur l’île de Maoré. C’est vous qui serez l’immigrée lorsque vous arriverez sur place. Je vous dis cela sans agressivité, c’est l’évidence. Vous allez quitter votre pays, parcourir plus de huit mille kilomètres et arriver dans un autre pays sur un autre continent.
Qu’allez-vous faire sur l’île de Maoré, Madame la Présidente ? Tout être humain n’est que de passage sur cette terre. Cela doit nous pousser à la modestie, au respect véritable de l’autre, celui que nous ne connaissons pas. Modeste ne signifie pas fataliste, qualificatif utilisé par beaucoup de prétentieux pour décrédibiliser l’autre lorsqu’il est différent. L’immensité du monde et la diversité des cultures et civilisations nous surplombent. En brutalisant ceux et celles qui ne nous ressemblent pas, nous altérons notre humanité et nous ne résolvons pas les problèmes qui sont seulement décalés jusqu’à ce que l’autre devienne plus fort et se venge.
J’ai un espoir qu’un éclair nous éblouisse tous et que tout le monde comprenne que le problème sur l’île de Maoré n’est pas économique ni migratoire. Il est politique.
La France possède une grande civilisation, elle est européenne et résulte d’un nombre de siècles de vie commune. Sur l’île de Maoré, vivent des comoriens, certains d’entre eux ont acquis la nationalité française pour diverses raisons et divers motifs, d’autres sont comoriens. Toutes ces femmes et tous hommes partagent la même civilisation, bien sûr plus récente que les européennes, perses et autres. Mais les valeurs partagées par les habitants de l’Archipel des Comores ne se sont pas évaporées en 1974. L’État français peut expulser vingt mille, trente cinq mille ou plus de comoriens de Maoré. Ces expulsions massives n’effaceront jamais les liens qui unissent les habitants de l’Archipel des quatre îles comoriennes.
J’essaie de ne pas être agressif même si cela s’avère difficile. Comment peut-on défendre la souveraineté de son pays et entraver celle des autres parce qu’ils sont plus pauvres et moins armés ?
Ma mère me disait souvent : Oussi fagnié mtrou yilé koussi tsaha wa fagnioiyo, elle ne parlait pas le français. Et sa phrase signifie : Ne fais pas à autrui ce tu ne voudrais pas que l’on te fasse.
Soidriddine Mohamed
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