Ceci n’est pas seulement l’expression de la douleur pour le grand homme qui vient de nous quitter, c’est surtout une belle page de notre ...
Ceci n’est pas seulement l’expression de la douleur pour le grand homme qui vient de nous quitter, c’est surtout une belle page de notre journal intime qui s’offre à la lecture.
Sa voie n’était pas celle que l’on peut facilement baliser tellement elle était en terrain d’embuscade pour l’action sociale et politique là où on attendait pas, là où cela doit avoir lieu, là où il devrait y avoir quelqu’un pour le faire. Ce quelqu’un pour le faire, il s’appelait Abdoulmadjid.
Sa formation d’ingénieur agronome le prédestinait à une carrière professionnelle pérenne à un moment où le secteur agricole était la vache laitière du pays, objet d’énormes investissements de la coopération internationale. Ayant constaté la mainmise des institutions financières internationale sur les décisions à la place du gouvernement et celui-ci se positionner en bénéficiaire prioritaire à la place des paysans, il a refusé de se soumettre en agent de service et à crié au scandale après son diagnostic de territoire dans la campagne profonde du pays à Nyumakele. Il a été démis de ses fonctions par le président Ahmed Abdallah et il n’a pas cherché à s’excuser ni à regretter sa révolte. En bon dialecticien, il a su transformer la contrainte en atout, un atout politique pour combattre le régime politique en place.
Comme en politique comorienne l’encrage territorial est la base des conquêtes, la région d’Itsandra et plus particulièrement sa ville natale qui porte le même nom, cette belle cité des ullamah, des cadis, des juristes, d’artisans et des intellectuels réputés, en fait, c’était un humus propice à la promotion d’un leader politique. Mais, pour bénéficier de l’élévation politique de cette forte méritocratie, il fallait s’inscrire dans un conservatisme consensuel, ce que Abdoulmadjid n’a jamais voulu faire. Il avait donc défriché une nouvelle voie en s’engageant avec la jeunesse et par le mouvement Objectif Socialiste, parti qu’il a créé juste avant l’indépendances pour annoncer sa vision.
Pour donner beaucoup de visibilité à son combat, il s’était rallié avec Abass Djoussouf pour un parti de gouvernement capable de peser sur la politique nationale. Cette orientation lui a permis d’accéder à des responsabilités nationales, entre autres Ministre des Finances et du Budget du gouvernement de transition de 1995 et secrétaire général du Gouvernement dirigé par Abbas Djoussouf comme premier ministre et sous la présidence de Tadjidine Ben Saïd Massounde.
Comme Objectif Socialiste faisait partie du Front National Uni, lequel front était constitué des forces alternatives qui voulaient se démarquer de la classe politique classique et qui a réalisé le coup d’Etat du 3 août 1975, Abdoulmadjid était membre du Conseil National Révolutionnaire et était chargé de l’information. Suite à des divergences politiques avec Ali Soilihi, il s’était désisté de la révolution jusqu’à avoir été emprisonné pour son esprit très critique.
Pendant le régime du président Djohar, la région d’Itsandra l’a élu député à l’Assemblée Nationale.
Abdoulmadjid était un vrai combattant politique qui ne s’est jamais installé dans un confort conformiste. Pendant le régime du président Ahmed Abdallah, il a tenu tête contre la dictature mercenariale en douze ans d’opposition radicale, période pendant laquelle son intégrité fut remarquable.
C’est cette intégrité communément reconnue qui a mené le président de l’île de Ngazidja Elback à le nommer membre de la Cour Constitutionnelle et que celle-ci l’a désigné premier conseiller. C’est cette intégrité qui l’a conduit à démissionner de la haute juridiction constitutionnelle pour protester contre la corruption qui la gangrénait et contre l’ingérence du pouvoir exécutif du président Azali.
Pour les hommes et les femmes de culture, Abdoulmadjid était cette belle plume qui se lisait mielleusement dans La Lettre de l’Ocean Indien et dans La Voix de l’Allemagne avec l’élégance et la dignité qu’on lui reconnaissait.
Oui, sa vie était sa voie, une voie aujourd’hui mouillée de larmes et qui ne s’arrête pas au dangereux virage qui endeuille son peuple pour beaucoup de citoyens qui nous quittent. C’est dans la sérénité et dans la dignité que nous offrons nos mouchoirs les plus doux à Fatima sa douce compagne et à ses enfants
Yasmina,
Samia,
Touffaha,
et Youssouf Madjid, non pas pour sécher les larmes mais, pour brandir la fierté d’une vie accomplie.
Par Dini Nassur
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