Ses partisans l'avaient surnommé "le bien aimé", mais à Mbeni, dans le nord-est de l'île de Grande Comore où il a vu le...
Ses partisans l'avaient surnommé "le bien aimé", mais à Mbeni, dans le nord-est de l'île de Grande Comore où il a vu le jour il y a 62 ans, le président Mohamed Taki Abdoulkarim, était simplement "l'enfant du village" qui lui portait une affection dépassant parfois l'entendement.
Mbeni organisera samedi l'enterrement de ce fils, mort dans la nuit de jeudi à vendredi d'une crise cardiaque, malgré les pressions du gouvernement pour organiser des funérailles nationales à Moroni.
Avec sa haute silhouette empâtée par les ans qu'il déplaçait sans grâce, Taki avait su créer autour de sa personne une aura quasi-mystique, de gourou-ermite enclin à s'enfermer souvent seul avec sa famille.
Ses partisans se plaisaient à dire "on aime pour rien" ce piètre orateur, aussi croyant que superstitieux, et s'adonnant, selon des proches, à la sorcellerie.
Plusieurs fois marié (pas moins de six mariages), le président Taki est père de six enfants. Une de ses filles est décédée en France en 1990.
Né le 20 février 1936, Mohamed Taki est le premier Comorien diplômé de l'Ecole des Ponts et Chaussées. Il a débuté sa carrière à Anjouan comme chef de la subdivision des Travaux Publics avant d'en devenir Directeur Général.
Après la proclamation unilatérale de l'indépendance de la France le 6 juillet 1975, Ahmed Abdallah Abderramane lui confie le portefeuille de l'intérieur. Moins d'un mois plus tard, Ahmed Abdallah est renversé par Ali Soilihi, et Mohamed Taki plonge dans la clandestinité. "Je me suis carrément enfermé de manière que personne ne puisse me voir", dira-t-il plus tard.
Le 3 avril 1977, M. Taki, mêlé à une tentative de coup d'Etat contre Ali Soilihi, est arrêté, mais cherche la clémence en accablant ses amis, selon des témoignages.
Il est libéré le 13 mai 1978 à la suite du coup d'Etat d'Ahmed Abdallah qui le nomme secrétaire général du directoire politico-militaire mis en place avec le soutien du mercenaire Bob Denard.
Elu député, il devient président de l'Assemblée Nationale et est l'initiateur de la loi instituant le parti unique de l'époque, l'Union comorienne pour le Progrès. Il se fera aussi remarquer par sa fameuse doctrine politique sur le pouvoir des notables, l"Ubedjaya".
En 1984, il rompt avec Ahmed Abdallah et se réfugie à Paris dans un exil qu'il qualifie de "volontaire".
Après l'assassinat d'Ahmed Abdallah en novembre 1989, Mohamed Taki rentre aux Comores pour se présenter à l'élection présidentielle où il est battu par Saïd Mohamed Djohar qu'il taxe d'"usurpateur", élu avec la "complicité" de la France.
Toutefois, c'est à nouveau à Paris qu'il s'enferme dans un exil qu'il quittera en novembre 1991 pour une "réconciliation sous serment" qui ne durera que quelques mois.
Une fois de plus en septembre 1992, Mohamed Taki est impliqué dans une tentative de coup d'Etat qui tourne à la mutinerie et à la rébellion armée. Traité de "hérisson" par le président Djohar, un mandat d'arrêt international est lancé contre cet homme qui replonge dans la totale clandestinité pendant trois ans.
Il refera surface à la faveur du coup d'Etat organisé par Bob Denard en septembre 1995, en devenant pendant 48 heures co-président d'un éphémère directoire politique mis en place par les putschistes.
Le 16 mars 1996, Mohamed Taki est enfin élu président de la République avec 64,16% des suffrages. Sa présidence aura duré 32 mois.
Par Aboubacar M'CHANGAMA
Publié le 28/05/2013 et mise à jour le 01/11/2018
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