Plongée au coeur d'un « grand mariage »
Célébrer le « grand mariage » est une étape importante dans la vie des Comoriens. Dans certaines îles de l'archipel, il permet aux mariés de devenir des citoyens à part entière. Mais son organisation peut aussi se transformer en véritable gouffre financier. Récit.
A la Grande Comore, les communes ont établi des chartes définissant les sommes à investir dans l'organisation du mariage : 80 000 euros pour l'époux et 40 000 euros pour sa femmeRadio Domoni Inter |
L’Union des Comores, ce sont trois îles de l’Océan Indien : la Grande Comore, Anjouan et Mohéli. Et il y a Mayotte qui a fait le choix en 1975 de devenir un département français. Tous les ans, près de 45 % de mariages dits culturels y sont organisés. Et dans chaque île, les familles ont leurs propres façons de s'habiller, de se maquiller, mais surtout d’organiser les festivités. Si ces unions sont une véritable richesse culturelle, elles peuvent néamoins devenir des gouffres financiers pour les familles qui doivent parfois économiser pendant des années avant de pouvoir célébrer le mariage de leurs enfants.
A la Grande Comore, par exemple, les communes ont même établi des chartes définissant les conditions d'organisation d'un mariage. L'époux doit ainsi investir près de 80 000 euros et la femme 40 000 euros. Sans oublier l'argent offert par les associations locales et les nombreux zébus à acheter.
« C’est fou, le grand mariage aux Comores !, s'exclame Malyk, une femme gagne beaucoup d’argent. La dot est très importante. Je voulais faire plaisir à ma famille, alors j’ai donné 2000 euros, soit un million de francs comoriens. Et ce n’est pas tout, il y a aussi les bijoux. Cela coûte au moins 4000 à 5000 euros. Lorsqu’on rentre en France, certains pensent qu’on va les vendre ».
Même si un grand mariage représente un coût important, pour un couple de Comoriens, le célébrer est une étape indispensable pour être reconnu officiellement marié. Dans certaines régions de l’archipel, tant qu’une personne ne l'a pas fait, elle ne peut pas participer à certaines activités.
C’est le cas à la Grande Comore où dans certaines mosquées, des places sont réservées à ceux qui ont fait l'Anda (grand mariage). Le marié a aussi la permission de donner des instructions dans sa région, voire dans son île. En revanche, ceux qui n’ont pas suivi ce rite ne peuvent pas s’imposer ou s’inviter dans une danse avec les autres.
Au cours du Chiri, cérémonie propre à Domoni, le marié est porté comme un prince dans toute la ville.Radio Domoni Inter
A Mohéli, la petite île de l’archipel, un rite de ce genre donne aussi du pouvoir aux mariés. Lorsqu’une cérémonie de grande envergure est organisée, on peut ainsi les distinguer grâce aux colliers de fleurs qui leur sont remis. A Anjouan ou encore dans l’île de Mayotte, en revanche, les pouvoirs en société restent les mêmes. Les personnes sont respectées et peuvent participer aux réunions. Dans les cérémonies, il est ainsi impossible d’identifier, par leur mode vestimentaire, ceux qui l'ont fait ou pas. A Mayotte, les habitudes culturelles commencent cependant à changer en raison des lois françaises qui ne permettent plus la tenue de manifestations culturelles jusqu'à l'aube.
Elenea, quant à elle, est ravie: « Avec mes parents et mon mari, nous sommes soulagés. Nous avons fait notre devoir. Je peux commencer ma vie, penser à notre avenir et maintenant, je peux même participer à différents événements! ».
Soilah Naouir Papamwegne
Radio Domoni Inter, Anjouan, Comores
papamwegne.rfo@gmail.com
Article publié dans Hors Antenne (RFI) en novembre 2016.
HORS TEXTE
Croquer des têtes de poule et de coq pour s'unir
Dans le village où est organisé le mariage de Malyk et Eleana, c’est la fête dans tous les quartiers. Et comme il est de coutume, les familles ont fait appel à des associations culturelles pour gérer l’animation du mariage, décorer les places ou encore prendre en charge l’accueil des invités. Des chants et des danses accompagent les différentes activités. Parmi les plus célèbres, on peut citer le Chiri, propre à la ville de Domoni. Le marié, porté comme un prince, doit visiter au moins dix sites. Et à chaque étape, les hommes et les femmes dansent sur les places royales de la ville pour commémorer les rois.
Autre activité observée à Domoni, la tête de poule. Les vieilles dames préparent deux sauces avec comme garniture une tête de poule et une autre de coq que les mariés doivent croquer pour être déclarés unis !
« Ce qui a attiré mon attention, c’est que la personne qui venait me maquiller était pressée de finir avant que mon mari arrive!, se souvient Eleana. C’était magique et rapide. Ma famille s’était bien préparée. Tout le monde nous a dit que notre mariage s’est bien passé, mais comme nous ne vivons pas ici, nous n’arrivons pas à faire la différence avec les autres mariages ».
Le retour des « je viens »
Pendant les grandes vacances, les habitants de l’archipel ont aussi pour habitude de voir arriver les « Je viens ». Il s’agit des Comoriens vivant à l’étranger qui reviennent en vacances ou spécialement pour le mariage d’un proche. Entre 2015 et 2016, plus de 150 mariages ont ainsi été célébrés à Domoni. Dans cette ville, qui compte aujourd’hui presque 20 000 personnes, le mariage culturel reste un grand événement dans les cœurs de ses habitants.
A la Grande Comore, par exemple, les communes ont même établi des chartes définissant les conditions d'organisation d'un mariage. L'époux doit ainsi investir près de 80 000 euros et la femme 40 000 euros. Sans oublier l'argent offert par les associations locales et les nombreux zébus à acheter.
Se marier pour devenir citoyen
C'est le cas de Malyk, 35 ans, et d'Eleana, 33 ans. Ils sont tous les deux nés aux Comores, mais ils vivent à Paris depuis 11 ans. En 2012, ils ont célébré leur mariage religieux à Paris, puis en 2014 leur mariage civil à la mairie et cette année, ils sont venus exceptionnellement à Domoni, la capitale de l'île d'Anjouan, pour célébrer leur mariage culturel.« C’est fou, le grand mariage aux Comores !, s'exclame Malyk, une femme gagne beaucoup d’argent. La dot est très importante. Je voulais faire plaisir à ma famille, alors j’ai donné 2000 euros, soit un million de francs comoriens. Et ce n’est pas tout, il y a aussi les bijoux. Cela coûte au moins 4000 à 5000 euros. Lorsqu’on rentre en France, certains pensent qu’on va les vendre ».
Même si un grand mariage représente un coût important, pour un couple de Comoriens, le célébrer est une étape indispensable pour être reconnu officiellement marié. Dans certaines régions de l’archipel, tant qu’une personne ne l'a pas fait, elle ne peut pas participer à certaines activités.
C’est le cas à la Grande Comore où dans certaines mosquées, des places sont réservées à ceux qui ont fait l'Anda (grand mariage). Le marié a aussi la permission de donner des instructions dans sa région, voire dans son île. En revanche, ceux qui n’ont pas suivi ce rite ne peuvent pas s’imposer ou s’inviter dans une danse avec les autres.
Au cours du Chiri, cérémonie propre à Domoni, le marié est porté comme un prince dans toute la ville.Radio Domoni Inter
Au cours du Chiri, cérémonie propre à Domoni, le marié est porté comme un prince dans toute la ville.Radio Domoni Inter |
A Mohéli, la petite île de l’archipel, un rite de ce genre donne aussi du pouvoir aux mariés. Lorsqu’une cérémonie de grande envergure est organisée, on peut ainsi les distinguer grâce aux colliers de fleurs qui leur sont remis. A Anjouan ou encore dans l’île de Mayotte, en revanche, les pouvoirs en société restent les mêmes. Les personnes sont respectées et peuvent participer aux réunions. Dans les cérémonies, il est ainsi impossible d’identifier, par leur mode vestimentaire, ceux qui l'ont fait ou pas. A Mayotte, les habitudes culturelles commencent cependant à changer en raison des lois françaises qui ne permettent plus la tenue de manifestations culturelles jusqu'à l'aube.
Elenea, quant à elle, est ravie: « Avec mes parents et mon mari, nous sommes soulagés. Nous avons fait notre devoir. Je peux commencer ma vie, penser à notre avenir et maintenant, je peux même participer à différents événements! ».
Soilah Naouir Papamwegne
Radio Domoni Inter, Anjouan, Comores
papamwegne.rfo@gmail.com
Article publié dans Hors Antenne (RFI) en novembre 2016.
HORS TEXTE
Croquer des têtes de poule et de coq pour s'unir
Dans le village où est organisé le mariage de Malyk et Eleana, c’est la fête dans tous les quartiers. Et comme il est de coutume, les familles ont fait appel à des associations culturelles pour gérer l’animation du mariage, décorer les places ou encore prendre en charge l’accueil des invités. Des chants et des danses accompagent les différentes activités. Parmi les plus célèbres, on peut citer le Chiri, propre à la ville de Domoni. Le marié, porté comme un prince, doit visiter au moins dix sites. Et à chaque étape, les hommes et les femmes dansent sur les places royales de la ville pour commémorer les rois.
Autre activité observée à Domoni, la tête de poule. Les vieilles dames préparent deux sauces avec comme garniture une tête de poule et une autre de coq que les mariés doivent croquer pour être déclarés unis !
« Ce qui a attiré mon attention, c’est que la personne qui venait me maquiller était pressée de finir avant que mon mari arrive!, se souvient Eleana. C’était magique et rapide. Ma famille s’était bien préparée. Tout le monde nous a dit que notre mariage s’est bien passé, mais comme nous ne vivons pas ici, nous n’arrivons pas à faire la différence avec les autres mariages ».
Le retour des « je viens »
Pendant les grandes vacances, les habitants de l’archipel ont aussi pour habitude de voir arriver les « Je viens ». Il s’agit des Comoriens vivant à l’étranger qui reviennent en vacances ou spécialement pour le mariage d’un proche. Entre 2015 et 2016, plus de 150 mariages ont ainsi été célébrés à Domoni. Dans cette ville, qui compte aujourd’hui presque 20 000 personnes, le mariage culturel reste un grand événement dans les cœurs de ses habitants.