Une escroquerie dangereuse, circulant par e-mail et traquée par le Secret Service américain. Le courriel a pour objet ASSISTANCE. Nous le ...
Une escroquerie dangereuse, circulant par e-mail et traquée par le Secret Service américain.
Le courriel a pour objet ASSISTANCE. Nous le résumerons ainsi. Miss Lizy Kamara est la fille d'un directeur financier d'une mine de diamants de Sierra-Leone, aujourd'hui décédé. Le père en question a, pendant la guerre civile, déposé sa fortune dans une banque d'Abidjan (Côte d'Ivoire), où sa fille vit aujourd'hui en tant que réfugiée politique avec son frère.
Aujourd'hui, alors que la guerre est terminée, le gouvernement du Sierra-Leone veut faire main basse sur les fortunes des partisans de l'ancien régime, et notamment celle du cher papa. Dans le message qu'elle vient de vous adresser, Lizy vous propose tout simplement de transférer les 16 millions de dollars qu'elle a hérités de son daddysur votre propre compte, en vous indemnisant avec 15 % de la somme (soit la bagatelle de 2,4 millions de dollars). Bien sûr, il faut promettre de ne pas trahir la miss et son frangin...
Peut-être avez-vous déjà reçu ce genre de message dans votre boîte aux lettres. Sous cette forme ou sous une autre. Car de multiples variantes circulent. La miss peut être un mister, le pays peut devenir le Nigéria ou la Côte d'Ivoire, la personne peut s'adresser à vous pour que vous effectuiez à sa place un don à un organisme de charité ou à une église, la commission peut s'élever à 30%, etc.
Voici quelques variantes repérées par nos soins...
Expéditeur | Qui est-il/elle ? | Pays | Votre gain |
Clémence Bare | La veuve de l'ex-président de la république du Niger | Côte d'Ivoire | 20 % de 38 M$ |
Eric Biara Marie Braman | Le fils (ou la fille) unique d'un riche négociant en cacao ou café d'Abidjan, d'un exploitant d'or ou d'un douanier, aujourd'hui décédé | Côte d'Ivoire | 15 % de 8,5 M$ |
Miss Lizy Kamara Aminata Touré | La fille d'un directeur financier d'une mine de diamants de Sierra-Leone, réfugiée en Côte d'Ivoire. | Côte d'Ivoire et Sierra-Leone | 15 % de 16 M$ |
Mrs. Ann Ken-SaroWiwa | La fille d'un poète d'une minorité nigériane (les Ogoni), pendu par le gouvernement. | Nigeria | 15 % de 16 M$ |
M. Abu Timi | Un ex-directeur au ministère des mines et des ressources naturelles au Sierra-Leone, exilé à Lomé au Togo. | Togo et Sierra-Leone | 25 % de 21,5 M$ |
Emmanuel Ojo ou Ben Uyiosa | Des agents du Federal Government Contract Review Panel. | Nigeria | 20 % de 26,4 M$ |
Mrs. Felicia Kabila | La 3ème épouse de Laurent Kabila, président de la République Démocratique du Congo assassiné en 2001. | RD Congo | 25 % de 22 M$ |
Mrs. Sese-Seko | La veuve du président Mobutu, dernier président du Zaïre (devenu République Démocratique du Congo), exilée à Abidjan. | RD Congo, Côte d'Ivoire | Un pourcentage non précisé de 100 M$ |
Sandrine Oseyon Patricia Konan Francoise Edwards | La veuve d'un Koweitien qui travaillait pour une compagnie pétrolière en Cote d'Ivoire, ou d'un négociant de bétail et volailles gabonais. Atteinte d'un cancer en phase terminale, elle veut léguer sa fortune à l'Eglise ou à une organisation de charité. Vous serez l'intermédiaire pour cette opération. | Côte d'Ivoire, Gabon | La totalité du fonds, soit 8.5 millions d'euros. |
Villaran Nenita | La veuve d'un ancien ministre des Finances des philippines, dont la fortune a été transferée à Abidjan. | Côte d'Ivoire | Une partie de la fortune |
Caroline Deyda | La fille unique d'un grand journaliste gambien assassiné, réfugiée en Côte d'Ivoire. | Gambie et Côte d'Ivoire | 25% de 3, 5 M€ |
Noël D. | Un militaire français faisant partie de "l'armée de la force Licorne". Il a récupéré un butin abandonné par les rebelles ivoiriens après l'attaque d'une banque à Bouake. | Côte d'Ivoire | 30 % de 8 M$ |
Kevin Christopher | Le directeur d'une banque du Togo, qui a découvert une grosse somme sur un compte appartenant à un de ses clients étrangers, mort avec toute sa famille dans un accident d'avion. Il vous propose de vous déclarer comme proche parent ou proche relation de la famille défunte. | Togo | 40 % de 10,5 M£ |
Feddag Safia Sandrine Somon | L'employée d'un Irakien, ambassadeur des Nations Unies, ministre des affaires étrangeres et deputé, aujourd'hui décédé. Détentrice d'une malle bien remplie confiée par son ex-patron, elle cherche à quitter l'Irak. | Irak | 25% de 17,5 M$ |
Claude Guillette | Un célibataire sans enfant, en phase terminale de cancer. Il vous confie sa fortune pour une oeuvre de charité. | Canada | 4 millions de dollars canadiens |
Ne rêvez pas ! Ce genre de message n'est qu'une gigantesque et dangereuse arnaque. Car derrière ces noms d'emprunts se cachent des escrocs qui ne visent qu'à vider votre compte en banque.
Comment cela ? Si vous manifestez un tant soit peu d'intêret pour la chose, vos correspondants vous proposent...
- ... soit d'avancer des fraisPour réaliser le transfert, il faut un avocat. Sous des prétextes divers, on vous explique que c'est vous qui devez avancer les frais d'avocat. Cela fait, on vous apprend que vous devez régler des frais de douanes. Vous vous exécutez ? Il faut maintenant s'acquitter d'une taxe fiscale . Etc., etc. A chaque étape, les escrocs réclament davantage d'argent sous un prétexte quelconque. Jusqu'à ce que les abusés se rendent compte de l'arnaque. Les sommes peuvent monter très haut (on part de quelques centaines d'euros pour dépasser la centaine de millier d'euros !)
- ... soit de communiquer vos coordonnées bancairesPour transférer la somme, il faut évidemment avoir le numéro de votre compte bancaire. Mais les escrocs en profitent pour récupérer une photocopie de votre passeport ou votre permis de conduire. Munis de ces informations, ils usurpent votre identité et vident votre compte en banque.
Ce genre de tromperie, que d'aucuns pourraient trouver grossière, est pourtant très répandue. Connue sous le nom de 419 scam, elle a déjà piégé de nombreux internautes, qui voulaient soit rendre service (certains messages font vibrer la corde émotionnelle), soit simplement voir la couleur de l'argent. La brigade financière du Secret Service(service de police américain) reçoit de 300 à 500 e-mails par jour concernant cette escroquerie, qui ne rapporterait rien moins que plusieurs centaines de millions de dollars par an à ses investigateurs. Et l'on estime que seul un cas sur 10 serait rapporté.
Dans certains cas, l'arnaque peut même tourner au drame. Les victimes potentielles sont parfois invitées à se rendre dans le pays désigné (Côte d'Ivoire, Nigéria, Zimbabwe) pour y effectuer la transaction. Toujours selon le Secret Service, un Américain aurait été assassiné au Nigéria en essayant d'encaisser la commission. En février 2003, un diplomate nigérian a été assassiné par un citoyen tchèque qui le tenait pour responsable de l'escroquerie...
Le suicide d'un jeune breton il y a quelques semaines suite à une menace de diffusion d'une vidéo de lui très embarrassante contre le paiement de la somme de 200 euros, est un exemple supplémentaire du caractère grave des escroqueries sur l'Internet. La multiplication des situations de détresse dans lesquelles se trouvent les personnes victimes d'escroquerie sur le réseau conduit à envisager un contrôle adéquat.
Concernant le jeune brestois de 18 ans, celui-ci avait rencontré une jeune fille sur un site de rencontre et en réponse au strip-tease qu'elle avait effectué, il s'était également montré dans une situation compromettante. La jeune-fille a alors décidé d'utiliser cette vidéo pour le faire chanter et le menacer de partager la vidéo avec tous ses amis Facebook à moins qu'il ne lui fasse parvenir la somme de 200 euros.
La situation devenue insoutenable pour le jeune homme l'a conduit à mettre fin à ses jours. L'enquête révélera que l'escroc s'est connecté avec une adresse IP localisée dans un cybercafé d'Abidjan, en Côte d'Ivoire, ce qui compromet fortement les suites de l'investigation.
Cette escroquerie aux conséquences extrêmes peut être rattachée de manière générale aux escroqueries dites « arnaques à la nigériane » ou « scams ».
Ces escroqueries prennent la forme de courrier ou courriel dans lesquels un inconnu propose à son destinataire une transaction financière. Généralement une somme importante est en jeu (héritage, message d'une fausse autorité de régulation de l'internet, pot-de-vin, fonds à placer à l'étranger…) et l'aide de la future victime est sollicitée pour réaliser le transfert en échange d'un pourcentage de la somme. L'escroc demande alors à sa victime de lui envoyer une avance afin de payer certains frais (notaires, entreprises de sécurité, pots-de-vin…) et bien évidemment il ne donnera plus aucun signe de vie une fois l'argent reçu.
Si les histoires mises en scène par ces scammers sont souvent invraisemblables et les messages truffés de fautes d'orthographe, il n'en demeure pas moins que les personnes les plus crédules sont souvent prises au piège.
Dès lors, il convient de lutter contre ces escroqueries toujours plus nombreuses.
D'une part, l'information sur ces pratiques doit être renforcée. Les parents du jeune brestois ont à ce titre décidé de médiatiser le drame familial qu'ils ont vécu afin de sensibiliser les personnes et d'éviter que cette situation puisse se reproduire à l'avenir. La prudence est le maître mot sur Internet. Sans tomber dans l'excès, il s'agit de se méfier du sentiment d'anonymat.
D'autre part, l'Etat doit renforcer son devoir de prévention. Malheureusement, il semble que le Gouvernement ne prenne que très peu au sérieux ces escroqueries.
Certains internautes se révoltent aujourd'hui contre le manque d'action des Etats et l'importance des classements sans suite.L'Association d'aide aux victimes d'escroquerie à la nigéraire (Aven), créée en février 2009, déplore à ce titre que de nombreux internautes escroqués ne savent que faire, ni vers qui se tourner ou se voient refuser le droit de déposer une plainte pénale.
Ainsi cette association a pour but d'informer, de prévenir et de soutenir les victimes dans leurs démarches. Par exemple, le site internet de l'AVEN précise les modalités de dépôt d'une plainte pour escroquerie et les suites pouvant être données à celle-ci.
Ces initiatives privées mériteraient ainsi, pour plus d'efficacité, le soutien logistique et financier de l'Etat.
Avec Antoine Chéron
source : Atlantico.fr
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