Un visa "outre-mer" contre l'immigration illégale : pour qui et pourquoi ?
Annick Girardin souhaite la création d'un nouveau visa "outre-mer" pour lutter contre l'immigration illégale, en particulier à Mayotte et en Guyane.
La ministre française des Outre-mer, Annick Girardin à Mayotte ©Mayotte1ère |
Contrôler l'immigration. Voilà l'objectif décrit lors d'un discours au dîner des Trois Océans par la ministre française des Outre-Mer. Face aux ambassadeurs de France présents dans ces pays, Annick Girardin s'est dit "favorable" à la création d'un nouveau visa "Outre-Mer".
Pourquoi ?
"Un tel visa outre-mer permettrait de mieux maîtriser les mouvements migratoires" explique la ministre. En fait, plusieurs territoires notamment Mayotte et la Guyane sont confrontés à une très forte immigration. Cette revendication a déjà été évoquée pour résoudre la crise de la Guyane française au printemps dernier. Mais dans les Antilles et notamment à Mayotte, où plus de 50 % des 212 600 habitants sont étrangers, selon une étude de l'INSEE, cette demande est aussi de plus en plus populaire.
Autre donnée de l'INSEE, la moitié de ces résidents étrangers sont en situation irrégulière, ce qui alimente beaucoup de tensions sur l'île où l'on assiste plusieurs fois par an à des opérations de délogement d'immigrés.
Mayotte manque en réalité d'infrastructures et d'équipements, souffre d'un faible développement économique et connaît le taux de chômage le plus élevé des départements d'outre-mer : 36,6 %. "On est assis sur un chaudron" commentait le mois dernier le député mahorais Mansour Kamardine. Pour le Républicain, tous ces problèmes sont accentués par l'immigration clandestine. Il demande donc au gouvernement "un signal fort: empêcher les kwassas kwassas de venir".
Pour qui ?
Ce visa serait donc spécialement conçu pour les pays voisins des territoires d'outre-mer dans le but de limiter l'immigration clandestine. Aussi, "l'idée serait de faciliter les modalités d'obtention d'un visa pour des raisons légitimes : le regroupement familial, la formation professionnelle, les déplacements pour des enjeux économiques, sanitaires et scientifiques" précise Annick Girardin.
"Demander un visa et ne pas l'obtenir, pour ces familles là ne changera pas les choses". - Olivier Sudrie, maître de conférence.
Mais pour Olivier Sudrie, maître de conférence à l'université de Versailles, "en aucun cas, ce visa ne permettrait de maîtriser les flux. [...] Quand une famille décide de migrer, ce qui est un choc, elle le fait principalement pour des raisons économiques ou sanitaires, pour offrir une meilleure vie aux enfants. On y va donc, avec ou sans visa. C'est souvent une question de survie. Demander un visa et ne pas l'obtenir, pour ces familles-là ne changera pas les choses."
"Est-ce qu'on peut délivrer des visas temporaires uniquement valable sur une partie du territoire ?" se demande le spécialiste des économies ultra-marines. Oui, et il existe déjà. Sur le site du gouvernement, un autre visa Outre-Mer est délivré aux ressortissants étrangers, puisque l'"’acquis de Schengen ne s'applique qu’au territoire européen de la France". Ce qui veut dire par exemple, qu'un visa Schengen permet à un Britannique de se rendre dans la Loire, mais pas aux Antilles françaises. Un visa Outre-Mer lui permettra d'aller en Guyane, mais pas dans les Bouches-du Rhône.
Peu importe pour Olivier Sudrie, "l'Outre-Mer est traversée par une crise économique sévère. Il y a des choses importantes dont il faut s'occuper rapidement, je ne suis pas sûr que les visas participent vraiment à l'amélioration économique ultra-marine". Par Valentine Letesse - France Inter