L'électricité pour fortifier l'Etat de droit Ce qui est bien avec l’électricité qui émerge de nos chaumières jusqu’à il y a quelq...
L'électricité pour fortifier l'Etat de droit
Ce qui est bien avec l’électricité qui émerge de nos chaumières jusqu’à il y a quelques mois, bien obscures, c’est qu’on réfléchit plus. Jusque là, toute notre réflexion était axée sur le courant, du genre comment en avoir, comment réviser avec des bougies, comment monter un journal avec des bougies ou du gaz. Si, si.
Ce qui est bien avec l’électricité qui émerge de nos chaumières jusqu’à il y a quelques mois, bien obscures, c’est qu’on réfléchit plus. Jusque là, toute notre réflexion était axée sur le courant, du genre comment en avoir, comment réviser avec des bougies, comment monter un journal avec des bougies ou du gaz. Si, si.
De Gauche à droite, les journalistes Faïza Soulé Youssouf et Kamardine Soulé |
Maintenant qu’il y a l'électricité, on pense à autre chose. On voit autre chose, grâce à la télévision, on entend autre chose grâce à la radio. Et puis Internet. La magie d’internet, on en apprend tous les jours. Sur nous, mais aussi sur nos voisins de l’Afrique de l’Est et sur l’humanité.
Grâce à Internet, on apprend qu’un jeune collectif tunisien a su mobiliser des gens à Tunis et bien plus loin avec le hashtag, « où est le pétrole ? ». C’étaient des jeunes. Chez nous, on attend encore. On nous donne de l’électricité tout en espérant que nous devenions aveugles.
Grâce à l’électricité (à cause ?) , je me pose des questions aussi sur la profession de journaliste. Je pense notamment à Kamardine Soulé, qui est peut-être le seul journaliste d’investigation ici . Je pense à tout ce qu’il fait, à toutes les infos qu’il rassemble, à son Watwan Eco et je me demande si tout cela sert à quelque chose. Il essaie de démêler tant bien que mal, les fils de l’opacité et il y parvient des fois ( ou souvent) mais pour quels résultats ?
Grâce à l’électricité, je me rends compte que la société civile est inexistante. Je me rends compte que nous ne servons à rien. Que les Kamardine Soulé ou dans une moindre mesure Nazir Nazi ou Toufeyli Maecha ( ils sont encore jeunes et ne peuvent que s'améliorer) peuvent « pulluler », faire des révélations de malade, mais que rien ne changera. Aucune pierre ne bougera. La présidence regardera ailleurs grâce à cette électricité, peut-être une série brésilienne, la société civile fixera le bout de ses chaussures (si chaussures, il y a), et le peuple s’égosillera sur Facebook, toujours grâce à l’électricité.
J’espère voir un jour un hashtag sur les réseaux sociaux du genre, « où va notre argent », ou encore « à qui profite le gré à gré » ou encore « transparence à Comores Hydrocarbures », « transparence à Comores Telecom », ou encore « Tolérance ZERO ». Tout cela, grâce à l’électricité. J’espère voir un collectif qui se battra pour le respect de l’Etat de droit dans la république.
Pour l’heur, grâce à l’électricité, je me demande si la voie choisie est la bonne. Si être journaliste en nos pays sert vraiment à quelque chose.
Grâce à l’électricité, j’ose espérer qu’il y aura moins de bébés parce qu’occupés à faire autre chose (avant le retour de l'électricité, la seule activité possible dans nos villages était de faire des bébés). Que la lumière jaillira dans nos chaumières et qu’elle illuminera nos esprits. J’espère que la lumière nous fera prendre conscience de notre responsabilité dans la réussite ou l’échec dans la construction (ou la déconstruction) de notre République. J’espère.
Sinon là à l’instant, j’appelle de mes vœux une coupure de courant. Peut-être que me reviendra l’envie d’être journaliste. ©Faïza Soulé Youssouf