Ali Mmadi s’explique sur sa démission au gouvernorat de Ngazidja
L’ex-directeur de la communication du gouverneur Hassani, Ali Mmadi, a choisi notre site pour s’exprimer pour la première depuis sa démission et en donner les raisons. Il dit espérer que cette « démission va déclencher une prise de conscience chez le gouverneur qui doit comprendre que ça ne peut pas continuer comme ça » dans l’île.
Habarizacomores.com: Ali Mmadi, vous avez été nommé chargé de communication à Mrodjou en juillet 2016 et 8 mois après vous décidez de jeter l’éponge: pourquoi une telle décision ? S’agit-il d’une décision personnelle ou politique ?
Ali Mmadi: D’abord il faut comprendre que démissionner n’a jamais été une décision facile à prendre, mais elle est toujours motivée par les circonstances. Et bien, 8 mois après ma nomination par le gouverneur, je réalise que les conditions nécessaires qui me permettraient de remplir aisément ma mission ne sont toujours pas réunies. C’est donc une décision à la fois politique et personnelle.
J’ai présenté un plan et une stratégie de communication au gouverneur et au conseil des commissaires, il n’y a jamais eu de suite. Et puis je me rends compte qu’au fil des semaines et des mois, on répète les mêmes erreurs sans vouloir jamais les corriger. Cela est très compliqué pour moi d’assurer une bonne communication une telle situation.
Depuis combien de temps, réfléchissiez-vous à quitter votre poste de chargé de communication au gouvernorat ?
En réalité depuis 2 à 3 mois, j’ai fait part à certains proches du gouverneur de mes états d’âmes, à des commissaires, au gouverneur lui-même. Sans qu’une réponse concrète ne puisse être donnée. Le problème c’est que chacun a ses propres difficultés qui restent également sans réponse. J’espère en tout cas que ma démission va déclencher une prise de conscience chez le gouverneur qui doit comprendre que ça ne peut pas continuer comme ça.
Quel est votre sentiment sur le fonctionnement de l’Exécutif de l’ile ?
Le fonctionnement de l’exécutif de Ngazidja n’est pas simple. Les commissaires sont dépourvus de tout. Même pas un moyen de transport ni de communication. Mais j’espère que ce sont des questions qui vont se régler rapidement, mais encore faut-il que le gouverneur ait conscience que cela influe négativement sur l’action de son exécutif.
Il y a autre chose à souligner : souvent on a l’impression que cet exécutif agit à l’improviste et ne se donne pas le temps de mûrir ses idées avant de les mettre en œuvre. Regardez dans quelles conditions on a effectué la rentrée scolaire de cette année, la mise en place du lycée d’excellence ou encore le projet de la société financière. A chaque fois, l’exécutif a été à l’offensive. Et les médias ne nous ont pas ratés.
Depuis plusieurs mois Un bras de fer existe entre le gouverneur et les conseillers de l’ile, Pourquoi un tel climat ?
A mon avis, c’est un bras de fer justifié de la part du Conseil, même si je déplore le comportement peu responsable de son président qui agit comme s’il était là pour le gouvernement de l’Union. Depuis l’intérim confié à M. Abdillahi Mbaé, le climat s’est tendu entre le conseil de l’île et le gouverneur. La question de la motion de censure a envenimé la situation, car le gouverneur n’a pas montré un signe de fléchissement vis-à-vis des conseillers. Dire en conférence de presse qu’il a accepté la motion de censure mais ne changera d’exécutif que quand il voudra ce n’est pas une bonne posture. Et naturellement les conseillers se sentent humiliés et ne vont pas lui donner de cadeau.
Quel bilan de Hassani Hamadi après 8 mois à la tête de l’Ile de la Grande-comore ?
Comme je viens de démissionner, je ne crois pas être bien placé pour faire ce bilan. Ce qui est sûr c’est que par rapport à ses promesses de campagne, le compte n’y est pas encore. Mais il ne faut pas faire croire que j’ai abandonné un navire en train de couler. On est loin de là, le gouverneur a beaucoup d’atouts pour très vite redresser sa politique et engager l’île dans la voie de l’espoir. C’est sur ça qu’il a été élu avec 62% des suffrages.
Vous aviez déjà occupé ce poste entre 2011 et 2013: Quelle comparaison faites vous entre l’ancien gouverneur Mouigni Baraka et Hassani Hamadi ?
Effectivement, j’ai été conseiller en communication du gouverneur Mouigni Baraka à qui je tiens à rendre hommage pour ce qu’il a pu faire dans l’île. La différence entre lui et le gouverneur actuel est simple: Mouigni Baraka avait un entourage très politique et avait très bien compris que lui-même il avait un rôle politique primordial à jouer au niveau de l’île. Et il ne s’en est pas mal sorti malgré sa décision suicidaire de se présenter à l’élection présidentielle de 2016.
Hassani Hamadi, lui, n’a pas un entourage à la hauteur de ses ambitions. Est-ce un choix délibéré de sa part ou une erreur de casting, je n’en sais rien. En politique il est indispensable de bien s’entourer, et surtout d’écouter les avis des uns et des autres avant toute décision. Sinon on risque de porter seul la responsabilité de l’échec éventuel.
On vient d’apprendre que Mzé Soulé Elbak, conseiller de Hassani Hamadi, a démissionné de ces fonctions : Étiez vous au courant ? Pouvons-nous parler d’une crise à Mrodjou ?
Effectivement, j’ai eu la confirmation ce matin de cette démission. C’est dommage, car Mzé Soulé Elbak est un homme d’expérience et d’engagement. Le gouverneur perd un allié important. Est-ce qu’on peut parler d’une crise ? La crise est bien là depuis le refus du conseil d’accueillir les commissaires actuels et le rejet du budget 2017. La démission d’Elbak est aussi un autre élément de cette crise.
Parait-il que vous réclamez plusieurs mois de salaires au gouvernorat, est-ce vrai ?
C’est une question à laquelle je ne voudrais pas répondre ici. Mais la réponse est oui. J’ai déjà saisi le service concerné pour le règlement de cette question.
Avant d’aller au gouvernorat vous étiez directeur du journal Karibu Hebdo. Allez-vous y reprendre service ?
J’ai plein d’idées dans ma tête pour mon avenir professionnel, mais je prends le temps d’y réfléchir. J’ai quelques semaines pour le faire, et sans doute vous le saurez.
Propos recueillis par AHAMED ZOUBEIRI Hakim - le 06 mars 2017