Marseille : pour Ibrahim Ali, contre l’oubli et l’indifférence
Le collectif Ibrahim Ali appelle à un rassemblement citoyen le 21 février à 12h30, 4 chemin des Aygalades (15e). Vingt-deux ans après le meurtre de l’adolescent, son nom demeure absent des rues de notre ville.
Dans un peu plus de deux mois aura lieu le premier tour de l’élection présidentielle. Un premier round que les sondages promettent à la présidente du FN. Ce même parti dont trois colleurs d’affiches, il y a 22 ans, allaient le soir du 21 février 1995, cibler un groupe de jeunes un peu trop colorés à leur goût. Et comme ils étaient aussi racistes que lâches, ce fut à coups de pistolet qu’ils déversèrent leur haine sur les adolescents. « La rue le Chatelier c’est un couloir, des grands murs de chaque côté, il n’y avait pas d’échappatoire... c’est là qu’Ibrahim a reçu une balle dans le dos. Il est mort dans les bras de son ami Saïd », raconte Mbaé Soly Mohamed, membre historique du groupe de rap B. Vice, auquel Ibrahim appartenait, et figure infatigable du collectif qui perpétue sa mémoire.
« Ibrahim, c’était un gars simple, très calme, silencieux. Il était très observateur de la vie, il ne criait jamais, il écoutait, c’était ça Ibrahim, le mec le plus gentil, le plus innocent du groupe », se souvient-il. Âgé seulement de 17 ans lorsqu’il a été abattu, Ibrahim était originaire du quartier de la Savine (15e), comme ses copains de B.Vice. « Au début il venait juste voir les répétitions. Et puis un jour, il nous manquait quelqu’un pour notre show, il a pris sa place et là on a découvert un comédien. Il avait ça dans le sang », se rappelle Mbaé Soly Mohamed. Désireux de mettre ses talents au service des autres, lui et ses camarades répétaient justement un concert pour Solidarité Enfants Sida le soir du drame.
Mobilisés en faveur d’une école ou d’une avenue à son nom
Fatima Ahmed, également membre du collectif, a aussi grandi dans le quartier de la Savine : « J’avais le même âge que lui quand ça s’est passé. On est venu nous réveiller, taper aux portes très tôt le matin. À nos âges, on se disait tous ici que c’était absurde. Ce jour-là, on a dû devenir adulte, comme ça ! » Des adultes qui depuis se battent s’en relâche pour défendre la mémoire d’Ibrahim contre l’oubli et l’indifférence. « Chaque 21 février, on se réunit pour lui rendre hommage et pour rappeler aux élus qu’il y a toujours ce parti qui sème la haine, et que les vrais républicains doivent s’y opposer. Or ce qu’on a vu ces dernières années, c’est que le FN a servi davantage de variable électorale », déplore Mbaé Soly Mohamed. Une « variable » qui s’est hélas imposée dans l’équation locale : « savoir qu’on a un maire FN juste à côté, à peine à 1 km, ça fait mal, ça fait très mal ».
Au-delà des stratégies électoralistes à court terme, les élus marseillais auraient pu toutefois, depuis le temps, accéder aux demandes répétées du collectif. « Que cette mémoire soit inscrite dans la ville avec un nom de rue, ou celui d’une école. Un minot qui n’a pas connu cette histoire doit savoir qui était Ibrahim Ali, que c’est bien le racisme qui l’a tué. »