« Les Comores n'ont pas montré plus d'ambitions » envers la Chine
Ali Mmadi, Directeur de la communication du Gouvernorat de Ngazidja, a interrogé pour Chine-Magazine.Com, Said Abdallah Mohamed Mchangama, ancien ministre des Finances, ancien président de l’Assemblée nationale et actuellement président de la fédération comorienne des consommateurs, et Hissane Guy, Directrice de l’Agence de Voyage Cadence et ancien présidente de l’Office de tourisme national des Comores, sur les relations entre la Chine et l’Union des Comores.
Quels sont les rapports entre la Chine et les Comores aujourd’hui après 40 années de relations économiques ?
Ali Mmadi, Directeur de la communication du Gouvernorat de Ngazidja |
Said Abdallah Mohamed Mchangama : Les relations entre les Comores et la Chine sont remarquables de par l’absolue loyauté réciproque des deux partenaires. L’amitié entre les deux peuples, les relations étatiques n’ont jamais été mises en question, même sous la guerre froide, quand notre pays était sous la garde des mercenaires payés par le régime de l’apartheid, et/où des pays plus grands – ou mieux nantis – qui allaient chercher des subsides à Taïwan, encouragés par des pays ou des lobbys occidentaux. A bien réfléchir, l’amitié avec la Chine, et l’appartenance à l’Union Africaine, sont les deux seules constantes de la conduite étatique et pas seulement en matière de politique étrangère.
On regrettera donc, en tout cas du côté comorien, que notre Etat ne semble considérer la Chine, que comme un partenaire à qui on demande des aides ponctuelles et non un partenaire stratégique de développement. Et pourtant ses apports dans la lutte contre le paludisme, qu’il est maintenant possible d’éradiquer et dans les télécoms prouvent le sérieux, l’engagement et le savoir-faire de la Chine.
Hissane Guy, Directrice de l’Agence de Voyage Cadence et ancien présidente de l’Office de tourisme national des Comores, sur les relations entre la Chine et l’Union des Comores. |
Hissane Guy : La République populaire de Chine a été le premier pays à avoir accompagné le jeune Etat comorien à son indépendance, et on le voit sur les plaques d’immatriculation diplomatique! Jusqu’alors, la Chine a toujours répondu aux desiderata des Comores! 41 ans de relations diplomatiques ne veulent pas systématiquement dire relations économiques intenses.
Je pense que les Comores n’ont pas montré plus d’ambitions dans nos relations. On sollicite des équipements bureautiques la plupart du temps qui ne nous font pas honneur.
Selon vous, la volonté de l’ancien président Dhoinine Ikililou (image de Une), de placer l’Union des Comores sur la nouvelle Route de la Soie (Une Ceinture, une Route) est-elle une politique étrangère efficace ?
Said Abdallah Mohamed Mchangama : Au 15ème siècle, le navigateur Zheng He entreprenait des périples dans le pacifique et l’Océan Indien des décennies avant Christophe Colomb. Il est établi qu’il a atteint l’Afrique de l’Est et est retourné avec des souvenirs des villes côtières de Mogadiscio en Somalie et Malindi au Kenya. Les Comores sont donc naturellement sur la Route maritime de la Soie. La question est que faisons-nous pour intégrer cette grande ambition de coopération et développement économique du 21ème siècle. Quelle stratégie pour construire des infrastructures terrestres, maritimes, aéroportuaires, technologiques et former les ressources humaines nécessaires afin, non pas de mendier des subsides, mais d’être partie prenante de cet essor ?
La politique étrangère n’a de sens que si elle prolonge, renforce et légitime une politique intérieure, bien définie, opérationnelle, efficace, qui mobilise et fait travailler la population pour son bien-être.
Hissane Guy : On n’est plus au siècle dernier où on parlait de la Route de la soie ou des épices ! Au temps de la mondialisation et avec les techniques de communication ultra sophistiqués et ultra rapides, cette expression me parait honnêtement obsolète. Renforcer et ouvrir des perspectives pour les opérateurs comoriens et chinois à échanger des savoir-faire et des expériences dans un partenariat gagnant-gagnant serait plus efficace.
Actuellement, on voit des bonnets brodés comoriens (koffias) fabriqués en Chine qui coûtent 20 à 30 euros ! C’est court-circuiter le marché et de facto dénigrer le patrimoine culturel et ancestral comorien !
Ajouter à cela le manque à gagner pour les brodeuses comoriennes ! Avec la conjoncture, certaines personnes n’hésiteront pas à porter des koffias made in China ! Au niveau culturel, je ne crois pas que nos amis chinois apprécieraient qu’on fasse de la contrefaçon avec les vases Ming !
Quels avantages pourraient tirer les Comores d’un tel renforcement de la coopération ?
Said Abdallah Mohamed Mchangama : La Chine est déjà la deuxième économie mondiale. Nos amis Chinois, qui savent concilier ambition et humilité, insistent souvent que la Chine est un grand pays en développement. C’est dans les grands médias économico-financiers anglo-saxons qu’on trouve les meilleures raisons de cimenter nos relations avec la Chine comme un des partenaires de référence.
En 30 ans, elle a sorti des centaines de millions de personnes de la pauvreté. Fait unique dans l’histoire de l’humanité. La Chine a ouvert ses universités et centres de formation aux étudiants de tous les pays. Depuis 15 ans, ces scientifiques et ces universités progressent constamment dans les classements internationaux. C’est elle qui prête de l’argent aux USA, la première puissance mondiale.
Said Abdallah Mohamed Mchangama, ancien ministre des Finances, ancien président de l’Assemblée nationale et actuellement président de la fédération comorienne des consommateurs |
Ses touristes constituent déjà le deuxième marché international que convoitent tous les grands pays touristiques. C’est le premier investisseur dans les infrastructures à l’international, son savoir-faire est reconnu. Le Washington Post du 24/10/2016 rappelait que des 20 plus importantes compagnies mondiales en valeur boursière, 12 étaient américaines et 8 chinoises.
Doit-on rappeler que ce pays pluri-millénaire bat tous les records de pacifisme à l’égard des autres peuples ? Doit-on rappeler que la Chine comme nous, condamne le terrorisme, prône la résolution des conflits par la concertation, et à travers les institutions internationales reconnues ?
Alors quand, nos ministères et nos élites comprendront qu’en établissant une coopération sérieuse avec la Chine, qu’en construisant le présent et en préparant l’avenir en bonne concertation avec elle, le Comorien s’intégrera mieux dans le 21ème siècle et affrontera plus aisément les défis à résoudre pour éduquer ses enfants, vaincre la pauvreté et les maladies et construire une société plus juste, ouverte de mieux être. Cela sans devoir renier nos amis et proches.
Hissane Guy : On a beaucoup à apprendre des Chinois et avec le pouvoir d’achat qu’une certaine classe chinoise possède actuellement. Au niveau du tourisme, environ 400 millions de touristes chinois en 2016 de par le monde, la Route de la Soie aura sa place. Certains pays leur facilitent même le visa en réduisant le délai de livraison : c’est le cas de la France où le délai est passé d’une semaine à 48 heures pour l’obtention du visa.
Pour les cultures de rente, les Chinois utilisent beaucoup de girofle. Pour l’enseignement supérieur, on peut envisager des formations pointues et ciblées. Les Chinois sont les plus grands producteurs de panneaux solaires, ce qui pourraient encourager la population comorienne à se diriger vers les énergies durables que cela soit dans l’utilisation privée ou professionnelle, dans un pays où on est encore confronté à ce problème crucial énergétique !
Propos recueillis par Ali Mmadi
©chine-magazine.com
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