La société nationale des télécommunications, créée en février 2004, mise en route en avril 2005, devenue l’un des fleurons de l’économie co...
La société nationale des télécommunications, créée en février 2004, mise en route en avril 2005, devenue l’un des fleurons de l’économie comorienne (27 milliards de Fc – 54 millions d’euros – de chiffre d’affaire, 3300 employés jusqu’à tout récemment), traverse une phase très difficile qui, mal gérée, pourrait conduire tout simplement à son dépôt de bilan. Plusieurs raisons semblent expliquer cette situation.
D’abord l’ingérence intempestive et irrationnelle de l’Etat qui se permet de demander à son entreprise de l’argent frais à chaque fois qu’il a besoin (c’est-à-dire tout le temps !), lui emprunte souvent son matériel (les véhicules par exemple) comme son personnel. Un manque de rigueur qui facilite du reste les malversations de certains de ses dirigeants. Ensuite la gestion scandaleuse des passations de marché : tout est fait en réalité pour ruiner l’entreprise publique et enrichir les particuliers (amis de certains de ses dirigeants) ! Enfin, les recrutements politiques, c’est-à-dire non justifiés économiquement qui n’ont pas cessé d’alourdir la masse salariale de la maison jusqu’à plomber aujourd’hui son fonctionnement.
Voilà un triste constat qui n’aurait pas été si alarmant que cela si l’entreprise gardait le monopole des télécommunications. Mais l’arrivée sur le marché comorien de Telma (principal fournisseur des télécommunications à Madagascar) change radicalement la donne. Car cette entreprise plus forte et mieux gérée que Comores Telecom a promis de mettre sur la table plusieurs milliards de Fc d’investissements. Objectif ? Dès fin 2016, offrir au marché comorien une couverture totale du territoire et de la population (services, voix, internet mobile, 3G, 4G et très haut débit) à des prix abordables. Elle propose également d’innover en axant par exemple ses actions sur l’éducation et la santé en ligne. Patrick Pisalhamda, son PDG, a promis au demeurant, comme on s’y attendait, une concurrence acharnée.
Je le dis sans détour : Comores Télécom fonctionne très mal et ne doit en réalité sa survie qu’au monopole qu’il occupait jusqu’à récemment. Résumé de la situation : des tarifs exorbitants pour des services de piètre qualité ! Elle souffre en plus d’une très mauvaise image des consommateurs.
Si l’on garde le statu quo, c’est, à moyen terme, la mort assurée de l’entreprise publique comorienne au profit de Telma qui l’absorberait volontiers !
Comment la sauver alors ? Tout n’est pas perdu en fait pour cette entreprise qui dispose encore de plusieurs atouts : une forte clientèle (450000 abonnés prépayés, 1480 abonnés post-payés), des équipements fonctionnels (câble, fibre optique…), des employés et des cadres plutôt bien formés et qui n’attendent qu’une meilleure gouvernance de leur entreprise.
Pour garantir donc sa pérennité, il faudrait urgemment ramener la masse salariale à un niveau raisonnable (la moitié de son effectif actuel par exemple), augmenter la productivité de ceux qui restent dans l’entreprise (relever les horaires de travail par exemple), diversifier les équipementiers pour baisser les coûts du matériel, mettre non plus le produit mais le client au centre en écoutant ses besoins et en lui proposant des services à valeur ajoutée (élargir l’utilisation de la boîte vocale, créer le renvoi d’appel à un autre numéro…)… Et tout cela nécessiterait, bien sûr, de nouveaux équipements (augmenter le nombre d’antennes, se doter de plusieurs groupes électrogènes pour palier la Mamwe…) et donc de nouveaux investissements.
Il serait fort souhaitable que les autorités compétentes gèrent cette grande mutation de l’entreprise de la façon la plus démocratique et la plus humaine possibles. Et comment ? En associant les syndicats à ces lourdes et difficiles décisions, en dédommageant financièrement et en accompagnant le personnel qui ne serait plus reconduit dans l’entreprise à retrouver un emploi. Car sinon, toutes ces réformes pourtant nécessaires à la survie de l’entreprise, risquent d’échouer du fait qu’elles rencontreront l’hostilité des salariés et de l’opinion publique. Ne l’oublions jamais : une entreprise publique moderne doit être rentable, performante et créatrice d’emplois. Sinon, elle porte un autre qualificatif mais pas celui de public. Un autre rappel banal : les fautes économiques des dirigeants d’entreprise ont toujours des incidences politiques lourdes de conséquences à moyen ou long terme.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres