Je le sais très bien : mes lecteurs impatients me répliqueront avant de lire mon texte que les ennemis de la démocratie comorienne ne sont ...
Je le sais très bien : mes lecteurs impatients me répliqueront avant de lire mon texte que les ennemis de la démocratie comorienne ne sont pas les dénonciateurs des malheurs comoriens mais plutôt leurs auteurs. Et ces contradicteurs exigeants (pour lesquels j’ai beaucoup de respect d’ailleurs) auront mille fois raison. Mais cela ne doit pas nous empêcher, nous, intellectuels de ce pays, commentateurs engagés de la vie politique nationale et internationale, de regretter le fait que l’éditorialiste le plus écouté de Moroni soit un grand analphabète notoirement inculte et corrompu. Voilà qui devrait faire froid dans le dos à toute personne connaissant la fragilité démocratique…
Photo. Abdallah Agwa |
De quoi s’agit-il vraiment ? Eh bien d’un homme qui ne sait ni lire ni écrire, qui ne dispose d’aucune culture politique et qui se vend à l’opinion comorienne comme étant le politologue le plus avisé et l’homme le plus intègre du pays. Oui : rien que cela ! Alors qu’en fait la réalité demeure évidemment tout autre : ses pratiques sont exactement les mêmes que celles qu’il pourfend à longueur de journée ! Situation inédite chez nous ? Non. Juste une belle imposture bien comorienne : des hommes politiques et des journalistes analphabètes ou sans diplômes veulent diriger les affaires du pays ou son opinion. Voilà une vieille particularité bien comorienne mais qui tend à disparaître, Dieu soit loué !
Cela dit, l’incompétence et la corruption de certains hommes politiques offrent gracieusement à quelqu’un comme Abdallah Agwa une très grande célébrité à très peu de frais dont le succès repose d’une part sur le fait qu’il dit tout haut ce que tout le monde pense tout bas ; et d’autre part sur le fait qu’il prend toujours un malin plaisir à traîner, souvent sans preuves tangibles, la classe politique nationale dans la boue.
Phénomène terrifiant : Agwa est même devenu la référence de certains cadres et intellectuels à qui on ne tend jamais le micro ni la caméra et encore moins les colonnes de nos trois quotidiens. Je sais qu’il a toujours bénéficié (et qu’il bénéficie encore) de la complicité de certains politiques qui se servent de lui pour détruire leurs « amis » et ennemis politiques. Du reste, les membres de la nouvelle équipe au pouvoir qui le soutiennent comprendront très vite qu’ils jouent avec le feu qui ne tardera pas à les brûler…
Je suis profondément inquiet, pour le pays, pour ce que j’appelle le « phénomène Agwa » qui repose du reste sur trois éléments : dire à l’opinion non pas la vérité mais ce qu’elle a envie d’entendre (populisme classique), informer sans aucun savoir ni vérification préalables et se présenter comme un homme intègre alors qu’il est malhonnête (un formidable manipulateur très souvent manipulé au demeurant !). Tous les professionnels de l’information et de la politique de la place savent que pour parler à la Baraka FM, il faut d’abord, verser 50000 Fc pour que le politologue le plus honnête et le plus intelligent du pays vous offre le droit d’insulter librement tous ceux que vous voulez comme et quand vous voulez !
Notre pays a intérêt à se doter urgemment d’un cadre juridique qui puisse encadrer rigoureusement la pratique journalistique : que les informateurs et faiseurs d’opinion soient au moins titulaires d’un diplôme universitaire (paramètres à définir de façon démocratique). Car être informé par des hommes et femmes incompétents reste une anomalie intellectuelle indigne d’un pays comme le nôtre (où pratiquement tous les moins de 40 ans savent lire et comptabilisant des dizaines de milliers d’employés et de cadres) et une réelle menace démocratique et même sécuritaire pour un pays aussi vulnérable que le nôtre.
Nassurdine Ali Mhoumadi, docteur ès Lettres