Les spin-doctors, ces champions de la storytelling, avaient déjà présenté leur script dont voici la teneur. Il fait un temps chaud sou...
Les spin-doctors, ces champions de la storytelling, avaient déjà présenté leur script dont voici la teneur.
Il fait un temps chaud sous les cocotiers et l’atmosphère est pesante dans l’ensemble des quatre îles qui forment l’archipel des Comores. Cela fait quinze longs jours que les comoriens, plus politisés que jamais, attendent avec une grande impatience teintée d’incertitudes les résultats des élections du Président de l’Union et des gouverneurs des îles.
Cette longue attente a alimenté toutes les rumeurs les plus folles. Il parait qu’Azali, annoncé premier par la CENI, est en train d’être volé par une Cour aux ordres du pouvoir en place, que l’UE est derrière ces manœuvres de sous sol, que Msaidié a juré de mettre le feu dans le pays si son ancien camarade de la Crc est déclaré président, que certains représentants des multinationales se frottent les mains car investir dans un pays en guerre ça rapporte, que le président Ikililou subis les pressions du lobby du Fouquet’s, etc. tous les ingrédients d’une guerre civile étaient réunis.
Le scénario est prêt, il ne reste qu’à tourner le film. En cette journée ensoleillée, la rumeur fait état d’une crise au sein même de la Haute juridiction du Pays. C’est dans ces conditions que l’on voit non pas huit mais cinq conseillers de la Cour Constitutionnelle qui s’avancent pour délivrer les âmes. Les médias s’impatient. Dans les rues de la capitale, la population est remontée. Dehors, le siège du Conseil constitutionnel est pris d’assaut par une foule agitée. Et les éléments de l’Armée qui montent la garde sont à cran. Le moindre bruit d’un pet de moustique peut occasionner une balle perdue. Le pays retient son souffle.
Le destin d’une Nation se joue maintenant. Nous sommes le 30 avril 2016. Il y a dix-sept ans jour pour jour depuis un fameux coup d’Etat. Après l’Arrêt de la Cour qui appelle à une reprise des élections dans 13 bureaux à Ndzuwani, le camp du candidat déclaré gagnant par la Ceni appelle les comoriens à la révolte. La foule prend d’assaut la Cour, les militaires sur placent sont débordés, et dans la panique et la confusion, tirent.
L’allumette est tombée sur la poudre ! Horreur ! Désolation ! L’armée est à Beit-Salam. C’est à ce moment que tous les responsables du camp du pouvoir montent au créneau. Il faut arrêter Azali, le putschiste, seul responsable de cette situation explosive, qui veut en ce jour d’anniversaire de son putsch prendre encore une fois le pouvoir par la force ! Mandat d’arrêt est lancé. Fin du processus électoral aux Comores. Un gouvernement d’Union nationale s’impose. Echec et mat. Générique de fin.
Je dois reconnaître que ces spin-doctors, spécialistes de la storytelling à la Carl Rove, avaient pondu une bonne intrigue. Mais il avait oublié une chose : le SUBRA d’Azali, cette capacité de résistance du soldat qui est devenu l’IMAM AZALI. C’est un militaire qui s’est emparé du pouvoir sans effusion de sang, qui a lutté pour la réconciliation nationale, avec comme résultats les Accords cadres pour la réconciliation aux Comores (Accords de Fomboni) du 17/02/2001, accords historiques qui ont mis un terme à la crise institutionnelle ayant vu en 1997 la sécession de Ndzuwani et qui ont ouvert un nouveau cycle de stabilité pour les Comores, qui a quitté le pouvoir démocratiquement et qui revient après dix 10 années comme citoyen ordinaire solliciter le suffrage universel. Le personnage, comme tout politique a son passif, il n’est pas parfait. Mais il mérite le respect dû aux hommes d’Etat. Imam Azali a surpris plus d’un.
L’homme est apaisé, plus sage, et derrière le colonel que l’on croyait belliqueux se cache un vrai républicain. Au lieu de crier au scandale et d’appeler à la révolte, cette nuit du 30 avril 2016, il prêche la paix et demande aux électeurs d’aller confirmer une victoire déjà acquise. Le camp des Vaincus et leur scénaristes du chaos sont pris de court. Ces gens là avaient oublié que le candidat Imam Azali a lui aussi ses conseillers en communication aussi talentueux que vigilants.
Youssouf IBRAHIM (Gauche photo), écrivain et enseignant. Paris