Saminya Bounou
En cette semaine de la presse, on ne pouvait pas manquer la première rédactrice en chef du quotidien Al-Watwan depuis 3 ans. Avant elle, aucune femme n'a occupé ce poste prestigieux de chef de la rédaction du canard de l'Etat. Normal. Saminya Bounou comptabilise plus d'une dizaine d'année de loyaux services dans la boite.
Formée dans les universités de La Réunion et Madagascar, cette mohélienne écrit à Al-Watwan depuis 1998. Après un court passage à Albalad, elle est devenue l'une des piliers de ce journal. Expérimentée et posée, Saminya Bounou ne s'était préparée pourtant pour devenir journaliste... Dans cet interview exclusif, la rédactrice en chef évoque la vie de journaliste, son expérience mais aussi de la femme comorienne.
1. Comment se vit le métier de journaliste aux Comores?
Je peux dire que je suis devenue journaliste, un peu par hasard, sans y avoir pensé. Car, ma Licence, je voulais me consacrer à l'enseignement mais très vite, je me suis tournée vers le journalisme. Au début, je faisais les deux, ce n'est qu'après que j'ai abandonné l'enseignement pour me consacrer entièrement au journalisme.
Le début a été très difficile, je l'avoue. Des débuts difficiles faits de crainte et d'angoisse, tout le temps. Je craignais de ne pas pouvoir réussir à écrire des articles comme je le voyais dans les journaux.
Après ces débuts difficiles, comme un bébé qui fait ses premiers pas, je me retrouve, finalement, et je me plais bien dans ce métier. Il a fallu beaucoup de temps, de volonté et de courage pour y parvenir. Mais, ai-je réussi ou pas ? Je ne sais pas, je ne peux pas me juger, je laisse aux autres le soin de le faire.
En tout cas, j'aime passionnément ce que je fais, je ne sais pas ce que j'aurais été ou pu faire si j'étais enseignante mais je ne regrette pas d'être devenue ce que je suis aujourd'hui. Je dois vous dire qu'aux Comores, ce métier ne fait pas nourrir son bonhomme ni ne donner aucun privilège mais on le fait parce qu'on y croit, on l'aime.
2. Y a-t-il des difficultés liées du fait d'être femme ?
Je ne me définis pas précisément comme journaliste femme ou femme journaliste.
Je suis journaliste et un point c'est tout. S'il faut absolument que je mette le genre dans cette histoire, je dirais qu'en tant que mère de famille (deux garçons), mes difficultés sont celles de toutes les mamans qui lient travail et enfants et qui ne sont pas forcément des journalistes. Toutes les femmes – des hommes aussi – qui travaillent ont ces genres de difficultés à se partager entre la vie professionnelle et vie familiale. Je répète, il y a des hommes aussi mais tout est question d'organisation. Surtout d'organisation et d'amour pour le travail qu'on a choisi de faire.
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Ça fait quoi d'être rédactrice en chef du canard du gouvernement ?
Le quotidien Alwatwan dont je suis rédactrice en chef depuis novembre 2012 n'est pas précisément le journal du gouvernement. C'est un journal d'Etat, certes, au sein duquel l'on retrouve une rédaction qui travaille librement. Je vous informe, d'ailleurs, le rédacteur en chef du journal est élu par ses collègues au sein de la rédaction. Il n'est pas nommé par une quelconque autorité politique. Je peux vous assurer qu'en tant que rédactrice en chef, je n'ai de compte à rendre qu'à la rédaction, c'est-à-dire à mes collègues qui m'ont élue.
Je n'ai aucun privilège quelconque et n'ai de contact qu'avec les journalistes. Les fonctions habituelles de la rédaction en chef m'obligent de servir de trait d'union entre l'équipe de la rédaction et la direction du journal. La situation fait que dès fois, la situation est tendue mais ça doit être comme ça un peu partout dans pareille situation entre la direction incarnée par une personne nommée par décret présidentiel et le chef de la rédaction.
3. Quel est votre regard sur l'évolution de l'émancipation de la femme ?
- Je ne voudrais pas poser un regard particulier sur cela. Je ne me suis jamais, d'ailleurs, posé la question. Et pourquoi ? Peut-être de par mes origines. Ma mère a toujours joui d'une liberté d'action au sein de la famille. Ce n'est pas une femme enfermée à la maison, privée de sa liberté de travailler ou de faire quoi que ce soit pour sa famille au même titre que mon père. Elle n'est pas infirmière ou enseignante ou journaliste comme moi mais elle a toujours travaillé aux champs sans être contrainte de le faire alors que personne, ni elle ni un autre n'a jamais empêché mon père de faire le travail qui lui plaisait pour entretenir sa famille.
Les Comoriennes font des choix et à mon avis ces choix là doivent désormais s'adapter aux contextes. Elles sont partout où elles choisissent d'être. Dans le commerce, dans le sport, dans l'artisanat, dans l'armée. Elles ne sont dans la prise de décision. Et elles disent n'y avoir pas accès ? Là, ça devient intéressant, car il faut voir où sont les obstacles ? Une chose est sûre, la religion, les textes de loi n'y sont pas contre.
4. Quel message pour les femmes comoriennes ?
Je leur adresserais un message de paix. Les femmes comoriennes, à mon avis, sont des femmes libres et heureuses. La grande majorité d'entre elles sont pauvres mais qui ne l'est pas aux Comores. Cette pauvreté n'est pas liée à leurs conditions de femmes. Non. Elle est plutôt liée à l'état du pays. Chaque femme comorienne est libre de voter et d'être élue, de conduire une automobile.
Vous savez bien qu'ailleurs, les femmes ne sont pas autorisées à voter et bien sûr à être élues ou conduire un véhicule. Ce n'est pas le cas aux Comores.Propos recueillis par Salwa mag
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