Est-il possible d'invoquer Dieu en faveur d'un non-musulman ? < Un certain nombre de coreligionnaires se demandent s'i...
Est-il possible d'invoquer Dieu en faveur d'un non-musulman ?
<
Un certain nombre de coreligionnaires se demandent s'il est possible
ou non d'invoquer Dieu en faveur d'une personne décédée sans apparemment
avoir la foi que Dieu agrée.
Ci-après donc quelques principes sur le sujet...
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I) Invoquer Dieu en faveur de quelqu'un qui n'a pas la foi que Dieu agrée mais qui est vivant :
Il
n'y a aucun problème à demander à Dieu d'accorder à un non-musulman la
santé, de lui épargner tel problème, de le guider vers ce qu'Il agrée
dans ce monde et dans l'autre, etc.
Le Prophète (que Dieu le bénisse et le salue) a ainsi prié Dieu qu'Il
guide le cœur de la mère de Abû Hurayra ; il a également prié Dieu en
faveur de la tribu arabe Daws.
Ibn ul-Qayyim a relaté d'autres invocations qui peuvent tout à fait
être faites par le musulman en faveur de quelqu'un d'une autre religion :
ainsi, au cas où on présente ses condoléances à un non-musulman : "Que ne t'atteigne que du bien !", ou : "Que Dieu t'accorde davantage de biens et d'enfants, et qu'Il prolonge ta vie !", etc. (Ahkâm ahl idh-dhimma, p. 205).
Tout ceci concerne le fait d'invoquer Dieu en faveur d'une personne non-musulmane encore vivante.
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Mais qu'en est-il de la personne non-musulmane qui est décédée ?
Invoquer Dieu en la faveur d'un homme décédé ne se fait que sous la
forme de demander à Dieu de lui accorder Son Pardon, Sa Miséricorde, ou
de lui ouvrir les portes de Son vaste Paradis, ou encore sous la forme
de dire à son sujet : "Paix à son âme !" / "Rest in peace".
Cela est-il autorisé ?
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II) Invoquer le Pardon de Dieu en faveur de quelqu'un mort sans la foi que Dieu agrée :
II.I) A propos de ceux qui sont morts en n'ayant ouvertement pas la foi que Dieu agrée (kâfir) :
Ceci englobe, rappelons-le, aussi bien les Polythéistes que les Gens
du Livre, du moment que ceux-ci ont eu connaissance du message de
Muhammad (que Dieu le bénisse et le salue) et ont choisi de ne pas y
adhérer (iltizâm).
Un premier événement)
"حدثنا أبو اليمان، أخبرنا شعيب، عن الزهري، قال: أخبرني سعيد بن المسيب،
عن أبيه، قال: لما حضرت أبا طالب الوفاة، جاءه رسول الله صلى الله عليه
وسلم فوجد عنده أبا جهل وعبد الله بن أبي أمية بن المغيرة. فقال: "أي عم،
قل: لا إله إلا الله، كلمة أحاج لك بها عند الله." فقال أبو جهل وعبد الله
بن أبي أمية: "أترغب عن ملة عبد المطلب؟" فلم يزل رسول الله صلى الله عليه وسلم يعرضها عليه، ويعيدانه بتلك المقالة، حتى قال أبو طالب آخر ما كلمهم: "على ملة عبد المطلب"، وأبى أن يقول: لا إله إلا الله. قال: قال رسول الله صلى الله عليه وسلم: "والله لأستغفرن لك ما لم أنه عنك." فأنزل الله: {ما كان للنبي والذين آمنوا أن يستغفروا للمشركين} [التوبة: 113] وأنزل الله في أبي طالب، فقال لرسول الله صلى الله عليه وسلم: {إنك لا تهدي من أحببت ولكن الله يهدي من يشاء} [القصص: 56" :
Venu au chevet de son oncle Abû Tâlib
alors qu'il vivait ses derniers instants, le Prophète le supplia
d'accepter la formule de foi monothéiste. Hélas, sur l'insistance de Abû
Jahl et de Ibn Abî Umayya, qui lui dirent : "Te détourneras-tu de la religion de 'Abd ul-Muttalib ?" Abû Tâlib dit comme dernière parole : "Sur la religion de 'Abd ul-muttalib". Le Prophète dit alors : "Je ne cesserai de demander à Dieu de t'accorder Son pardon, tant que cela ne me sera point interdit". Dieu révéla : "Le Prophète et les croyants n'ont pas le droit de demander pardon pour les polythéistes" [Coran 9/113] ; et Dieu fit une révélation au sujet de Abû Tâlib, en disant à Son Messager : "Tu ne peux guider qui tu aimes, mais Dieu guide qui Il veut" [Coran 28/56] (al-Bukhârî, 4494). Abû Tâlib est mort quand le Prophète habitait encore à la Mecque.
Un événement ultérieur)
Plus tard, après qu'il eut déjà émigré à Médine, un jour qu'il voyageait (Fat'h ul-bârî 8/645), le Prophète alla visiter la tombe de sa maman.
Il demanda à Dieu la permission de pouvoir Le prier en faveur de sa
mère pour qu'Il lui accorde Son pardon, mais permission de prier ainsi
ne lui fut pas accordée ; par contre il eut la permission de visiter sa
tombe (Muslim 976).
Deux relations, rapportées par al-Hâkim et Ibn Abî Hâtim pour l'une, et at-Tabaranî pour l'autre, montrent que c'est à cette occasion que fut révélé le verset "Le Prophète et les croyants n'ont pas le droit de demander pardon pour les polythéistes" [Coran 9/113] (Fat'h ul-bârî 8/645).
Ce verset 9/113 parle explicitement des polythéistes (mushrikûn), mais la règle est applicable à tous ceux qui n'ont pas la foi que Dieu agrée (kâfirûn), par le biais d'un tanqîh ul-manât.
Il
n'est donc pas autorisé à un musulman d'invoquer Dieu en faveur du
pardon, ou chose comparable, de quelqu'un qui est mort dans le kufr akbar, c'est-à-dire sans la foi que Dieu agrée.
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Ici, une question se pose : Comment se fait-il que le Prophète ait demandé pardon à Dieu en faveur de Abû Tâlib, alors que la sourate Hûd (11ème sourate du Coran), de révélation mecquoise, a enseigné, au travers du récit de Noé (Coran 11/42-47), qu'un prophète ne peut pas demander pardon en faveur de celui dont il est établi qu'il est mort incroyant (et même en faveur de celui dont il y a la possibilité qu'il est mort incroyant : Bayân ul-qur'ân), fût-il son proche parent ?
La réponse est qu'il est possible qu'au moment où Abû Tâlib mourut, ce passage relatif à Noé et à son fils n'avait pas encore été révélé au prophète Muhammad.
Par ailleurs, pour demander pardon en faveur de Abû Tâlib, le prophète
Muhammad s'était alors peut-être fondé sur la littéralité d'un autre
passage (alors déjà révélé), qui relate que le prophète Abraham avait
dit à son père, lequel avait refusé de le suivre dans la foi et était
demeuré polythéiste : "Paix soit sur toi ! Je demanderai le pardon en ta faveur à Mon Seigneur. Il est Bon envers moi" (Coran 19/47). Le
prophète Muhammad ne savait alors pas encore que l'invocation de
Pardon, par Abraham en faveur de son père, concernait le moment où
celui-ci était encore vivant (d'après Fat'h ul-bârî 8/645, lignes 2-3).
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Une seconde question se pose ici : Si, alors qu'il était encore à la Mecque, Dieu lui avait déjà
interdit de demander pardon en faveur de Abû Tâlib et de ceux qui sont
morts incroyants, et ce éventuellement par le biais du verset 9/113 (si
celui-ci a été révélé à cette occasion, nous allons y revenir) mais
assurément par le passage 11/42-47, comment expliquer que plus tard, après son installation à Médine, le Prophète demanda encore à Dieu la permission d'invoquer Son pardon en faveur de sa maman ?
La réponse est que le cas de Abû Talib était différent de celui de la maman du Prophète. En effet, le premier avait reçu le message de la révélation, et que le Prophète l'avait vu mourir en prononçant comme dernière parole : "Sur la religion de 'Abd ul-muttalib". Par contre, la maman du Prophète
était morte avant que celui-ci reçoive la révélation, et il était donc
possible que son cas soit différent. C'est peut-être pour cette raison
que le Prophète demanda quand même à Dieu l'autorisation d'invoquer
Son Pardon en sa faveur.
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Enfin, il est ici une troisième question : Quand donc le verset 9/113 fut-il révélé : après
le décès de Abû Tâlib, quand le Prophète habitait encore la Mecque ? ou
bien quand le Prophète s'était déjà installé à Médine, à l'occasion de
la visite qu'il rendit à la tombe de sa maman ?
Nous avons vu qu'il
y a des relations allant dans les deux sens : celle de al-Bukhârî
montre que ce serait suite au décès de Abû Tâlib ; et celles de
al-Hâkim, Ibn Abî Hâtim et at-Tabaranî montrent que c'est suite à la
visite du Prophète sur la tombe de sa maman. En fait il y a ici deux possibilités...
– Soit après la mort de Abû Tâlib, ce ne fut que le verset 28/56 qui fut révélé. Quant au verset 9/113, il fut révélé plus tard, lors de la visite du Prophète à la tombe de sa mère (comme le disent les relations de al-Hâkim, Ibn Abî Hâtim et at-Tabaranî).
Certes, dans la relation de al-Bukhârî,
les deux versets sont relatés l'un à la suite de l'autre, ce qui laisse
penser qu'ils furent tous deux révélés immédiatement après le décès de
Abû Tâlib, mais il s'agit là d'une formulation courante chez les Compagnons.
Et lorsque Dieu défendit au Prophète de Lui demander Son Pardon en
faveur de Abû Tâlib, apparemment cette interdiction lui fut communiquée
certes par la révélation, mais pas sous la forme d'un verset coranique.
Ce qui fut alors révélé sous forme d'un verset coranique fut seulement :
"Tu ne peux guider qui tu aimes, mais Dieu guide qui Il veut" (Coran 28/56). C'est là l'avis de Ibn Hajar (Fat'h ul-bârî 8/430).
– Soit, suite
à la demande de Pardon en faveur de Abû Tâlib, ce furent les deux
passages, 28/56 ainsi que 9/113, qui furent révélés, comme le montre la
littéralité de la relation de al-Bukhârî. Et, suite à la demande du Prophète d'invoquer le Pardon divin en faveur de sa maman, ce verset 9/113 lui fut seulement répété,
voulant dire que cet autre cas de figure était concerné lui aussi par
la règle déjà révélée précédemment. Plus tard, ce verset, de révélation
mecquoise, fut inséré dans la sourate 9, une sourate médinoise.
Quand le Prophète avait demandé pardon à Dieu en faveur de Abû Tâlib,
il l'avait peut-être fait (nous l'avons déjà dit) en se fondant sur
l'invocation que Abraham avait faite en faveur de son père, pourtant
polythéiste ; il ne savait alors pas encore que Abraham n'avait fait
cette invocation en faveur de son père que lorsque celui-ci était encore
vivant et qu'il y avait espoir qu'il accepte la vérité. Si on retient
la seconde possibilité
que nous venons de voir (la révélation du verset 9/113 a eu lieu suite à
la demande de pardon en faveur de Abû Tâlib), on comprend alors
facilement pourquoi le passage tout entier se lit ainsi : "Le
Prophète et les croyants n'ont pas le droit de demander pardon pour les
polythéistes, fussent-ils des proches parents, après qu'il leur soit
devenu clair qu'ils sont des gens du Feu. Et la demande de pardon de Abraham en faveur de son père n'était due qu'à une promesse qu'il lui avait faite ; puis, lorsqu'il lui devint clair qu'il était un ennemi de Dieu, il le désavoua" (Coran 9/114). En effet, "lorsqu'il lui devint clair que..." désigne le moment où il sut que son père était mort en étant incroyant (Tafsîr Ibn Kathîr),
et Dieu voulut alors montrer au prophète Muhammad (qu'Il le bénisse et
le salue) que ce que la demande de pardon que le prophète Abraham (que
Dieu le bénisse et le salue) avait adressée en faveur de son père, il
l'avait faite tant qu'il avait espoir qu'il apporte foi, mais ensuite,
après avoir constaté qu'il avait persisté jusqu'à mourir polythéiste,
n'avait plus demandé pardon en sa faveur.
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II.II) A propos de ceux qui sont morts en étant Hypocrites (munâfiq) :
L'Hypocrite, en arabe : "munâfiq", est
celui qui se dit et se montre musulman alors qu'en son for intérieur il
est sciemment non-musulman ; en fait il ne se dit musulman que par
opportunisme.
Un premier événement)
A la suite d'un événement s'étant déroulé pendant que le Prophète
voyageait avec ses Compagnons, Dieu révéla au sujet des Hypocrites tout
un passage de la sourate 63, intitulée justement Les Hypocrites (63ème sourate du Coran) (al-Bukhârî 4618 : on y lit que ce sont les versets 1 à 8 de cette sourate qui furent alors révélés).
Ceci se passa :
--- lors de la campagne des Banu-l-Mustaliq (cf. Fat'h ul-bârî, 8/821, 827) (laquelle eut lieu en l'an 4 ou en l'an 5 de l'hégire, cliquez ici) ;
--- ou bien lors de la campagne de Tabûk (cf. Fat'h ul-bârî, 8/821) (laquelle eut lieu en l'an 9 de l'hégire).
Parmi les versets alors révélés figure celui-ci : "Il
est égal par rapport à eux que tu demandes le Pardon pour eux ou que tu
ne le demandes pas : Dieu ne leur accordera pas Son pardon, car Dieu ne
guide pas les fâssiqûn" (Coran 63/6).
Un autre verset) Dieu a également révélé au Prophète cet autre verset : "Demande
pardon pour eux ou ne le demande pas ; si tu demandes pardon
soixante-dix fois pour eux, Dieu ne leur accordera pas Son pardon" (Coran 9/80). Lorsque le "second événement"
que nous allons évoquer ci-après se produira, le Prophète citera ce
verset 9/80 : ce verset 9/80 a donc été révélé avant le verset 9/84
(lequel sera pour sa part révélé à la suite de ce "second événement").
Un second événement) Ce fut en dhu-l-qa'da de l'an 9 de l'hégire, après Tabûk, que Abdullâh ibn Ubayy Ibn Salûl, le chef de file des Hypocrites de Médine, mourut (Fat'h ul-bârî
8/423). Le fils de cet homme, qui était, lui, croyant sincère, vint
trouver le Prophète et lui demanda d'accomplir la prière funéraire (dans
laquelle on demande à Dieu d'accorder Son Pardon au défunt) sur son
père. Le Prophète acquiesça.
Tandis qu'il s'avançait pour le faire, Omar le tira par son vêtement et lui dit : "Vas-tu accomplir la prière funéraire sur lui alors que ton Seigneur t'a interdit d'accomplir la prière sur lui ? Et tel jour il avait dit telle chose et telle chose ?"
Le Prophète sourit et dit : "Recule, Omar".
Mais comme celui-ci insista, le Prophète finit par lui dire : "Dieu m'a donné le choix : Il m'a dit :
"Demande pardon pour eux ou ne le demande pas ; si tu demandes pardon
soixante-dix fois pour eux, Dieu ne leur accordera pas Son pardon" [Coran 9/80]. Et si je savais qu'à demander pardon pour lui plus de soixante-dix fois le pardon lui serait accordé, je le ferais." Puis il accomplit la prière funéraire sur Abdullâh ibn Ubayy.
Peu de temps passa qu'il reçut la révélation des deux versets de la sourate Le Désaveu : "Et
n'accomplis jamais la prière funéraire sur l'un d'entre eux qui vient à
mourir, et ne te tiens pas non plus debout sur sa tombe : ils n'ont pas
cru ("kafarû") en Dieu et en Son Messager et sont morts en étant
fâssiqûn" [Coran 9/84, plus le verset 85] (al-Bukhârî 4393, 4394).
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II.III) Un certain nombre de questions se posent ici :
1) Pourquoi le Prophète (que
Dieu le bénisse et le salue) a-t-il accompli la prière funéraire sur
Ibn Ubayy alors qu'apparemment le verset 9/113, qui interdit de demander
pardon en faveur de ceux qui sont morts en étant non-croyants, lui
avait déjà été révélé ?
La réponse est que le cas des Hypocrites (munâfiq bi nifâqin akbar) n'est pas semblable à celui de ceux qui sont ouvertement non-musulmans (kâfir)
: le fait est que, même s'ils ne le sont pas dans leur for intérieur,
les Hypocrites se disent et se montrent musulmans. Les règles
extérieures applicables aux musulmans le sont donc aux Hypocrites aussi
(comme la licité du mariage avec une musulmane, le fait de bénéficier de
la prière funéraire, etc.) (cliquez ici)
(sauf s'ils prononcent ouvertement une parole de kufr akbar). Or le
verset 9/113, précédemment révélé, parlait de ceux qui sont morts en
étant ouvertement non-musulmans. C'est à cause de cette
différence existant entre ces deux groupes que le Prophète a compris que
la règle révélée au sujet du premier d'entre eux n'était pas,
d'elle-même, applicable par analogie au second aussi.
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2) Pourquoi le Prophète a-t-il accompli la prière funéraire sur Ibn Ubayy alors que Dieu lui avait déjà dit (cf. supra) qu'Il n'accorderait pas Son pardon à ces Hypocrites ?
Parce qu'il entendait par là seulement contenter le cœur du fils du
défunt, croyant sincère, et apaiser le clan de celui-ci, alors que, par
ailleurs, comme nous venons de le dire, il ne lui avait pas encore été
révélé que faire cette prière sur un Hypocrite lui était interdit (Fat'h ul-bârî 8/426 : c'est la réponse de al-Khattâbî et de Ibn Battâl).
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3) Si
l'interdiction de demander pardon à Dieu au sujet de ceux qui sont
morts en étant ouvertement kâfirs n'englobe pas ceux qui sont morts
hypocrites, pourquoi, alors, Omar a-t-il dit au Prophète de ne pas
accomplir la prière funéraire sur Ibn Ubayy, parce que "ton Seigneur t'a interdit d'accomplir la prière sur lui" (al-Bukhârî 4394) ?
Soit parce que Omar pensait que
les paroles que Ibn Ubayy avait maintes fois proférées constituaient la
preuve qu'il n'était pas musulman. Or Dieu avait déjà expressément
interdit de demander pardon à Dieu pour un homme mort en étant
non-musulman. Donc ce principe s'appliquait à Ibn Ubayy aussi. De son côté, le Prophète considérait
le fait que si Ibn Ubayy avait proféré de telles paroles, cela ne
l'était pas de façon assez établie pour servir de preuve contre lui au
point de dire de lui que, ayant embrassé l'islam, il avait ensuite
apostasié et ne pouvait plus être considéré par les humains comme
musulman (Fat'h ul-bârî 8/426).
Soit parce que, étant donné que
Dieu avait dit qu'Il n'accorderait pas Son Pardon à ceux qui sont morts
hypocrites, accomplir la prière funéraire sur lui ne servait pas à
obtenir le pardon de Dieu. Omar pensait donc qu'il est interdit de faire
un acte (cultuel) dont il est certain que son objectif ne sera pas
acquis auprès de Dieu (d'après Bayân ul-qur'ân). De plus, il
pensait que le Prophète devait exprimer un peu de sévérité à l'égard de
Ibn Ubayy pour tout le tort que celui-ci avait fait à l'islam, au
Prophète et aux autres musulmans.
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4) Comment le Prophète a-t-il pu se référer au nombre "70"
présent dans le verset et ne pas en comprendre ce que Omar en a
compris, à savoir que ce nombre n'a pas de sens sinon de dire que, même
s'il demandait pardon pour un hypocrite un très grand nombre de fois,
cela ne serait pas accepté ?
La réponse est que le Prophète avait bien compris que le chiffre
"soixante-dix" n'avait pas valeur de clause, mais il s'était appuyé sur
sa littéralité pour pouvoir trouver une argumentation à sa démarche. C'est pourquoi il dit : "Dieu m'a en fait donné le choix en disant ...".
Son objectif réel étant, nous l'avons vu, de contenter le cœur du fils
du défunt, croyant sincère, et d'apaiser le clan de celui-ci (Fat'h ul-bârî 8/429-430 : c'est la réponse de az-Zamakhsharî).
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5) Les autres musulmans peuvent-ils demander pardon à Dieu en faveur de celui qui est mort en étant Hypocrite ?
Le verset qui interdit au Prophète de demander pardon à Dieu en
faveur de ceux qui sont morts Hypocrites en mentionne la raison : "Ils n'ont pas cru ("kafarû") en Dieu et en Son Messager, et sont morts en étant fâssiqûn" (Coran 9/84).
Or si Dieu sait qui, en son cœur également, est musulman, et qui ne
l'est qu'en apparence et non en son intérieur, les humains, eux, ne
peuvent le savoir. Et en apparence l'Hypocrite est musulman (c'est
intérieurement qu'il ne l'est pas). Les autres musulmans que le Prophète
doivent-ils, peuvent-ils dès lors accomplir la prière funéraire et
demander pardon pour celui qui est mort Hypocrite ?
--- Pour al-Bukhârî il ne faut pas le faire (cf. Al-Jâmi' us-sahîh, al-janâ'ïz, bâb 83). Pour Ibn Kathîr non plus ("Wa hâdhâ hukmun 'âmm fî kulli man 'urifa nifâquh", Tafsîr Ibn Kathîr
2/327). Le verset 9/84 interdit donc au Prophète de demander pardon
pour l'Hypocrite, et cette interdiction s'applique aussi à tout musulman
dès lors qu'il sait qu'Untel est Hypocrite.
--- Par contre, pour Ibn Hazm,
si le verset 9/113 interdit au Prophète et aux croyants dans leur
ensemble de demander à Dieu d'accorder Son Pardon à celui dont il est
établi qu'il est mort en étant ouvertement non-musulman, en revanche le
verset 9/84 interdit seulement au Prophète mais non aux autres musulmans
d'accomplir la prière funéraire sur celui qui est mort Hypocrite. Cette
différence s'apparente, écrit Ibn Hazm, au fait que le Prophète
n'accomplissait pas, personnellement, la prière funéraire sur celui qui
mourrait en laissant des dettes sans laisser aussi de quoi les régler,
mais d'autres musulmans devaient le faire (cf. Al-Muhallâ, 12/140-141).
--- Le premier avis
pose le problème de pouvoir dire de quelqu'un qui est apparemment
musulman qu'il est un Hypocrite, alors même que ce qui "fait"
l'Hypocrite est qu'il n'y a pas de preuve suffisante du fait qu'en son
for intérieur il ne se sent pas musulman. Le risque est alors grand que
de nombreux musulmans soient traités d'Hypocrites (munâfiq bi nifâq akbar) par d'autres et que ceux-ci ne prient pas sur eux.
Ibn Taymiyya écrit au sujet des Hypocrites : "La
plupart d'entre eux ne prononçaient pas une parole de kufr d'une façon
qui puisse servir de preuve ; ils exprimaient au contraire leur
appartenance à l'islam, (mais) leur hypocrisie dans la foi se remarquait
parfois par une parole (qu'ils prononçaient), et un croyant l'ayant
entendue et relatée au Prophète, ils faisaient serment de ne pas l'avoir
dit, ou parfois ne faisaient pas ce serment ; d'autres fois (leur
hypocrisie) se remarquait par ce qui apparaissait d'eux : ils étaient
[toujours] en retard dans leur participation aux prières et à la
résistance, ils rechignaient à s'acquitter de l'aumône, et exprimaient
de ne pas aimer de nombreuses règles énoncées par Dieu. La plupart
d'entre eux se faisaient remarquer par le style qu'ils utilisaient dans
leur propos ; Dieu l'a dit : "Tu les reconnaîtras certainement au ton de leur parler" [Coran 47/30].
(…) Il y en avait qui disait une parole ou faisait une action, et un
verset coranique était révélé qui informait que l'auteur de telle parole
ou de telle action fait partie d'eux ; cela a été le cas dans la
sourate Barâ'ah [cf. par exemple les versets 58, 61, 75, 45]. Il y en
avait d'autres que (non seulement le Prophète) mais les autres musulmans
aussi connaissaient comme tels, par les indices et les signes (qu'ils
laissaient). Enfin il en étaient qui n'étaient pas connus (bien
qu'Hypocrites), comme Dieu l'a dit : "Et
parmi les bédouins qui vous entourent et parmi les gens de Médine il y a
des Hypocrites ; ils se sont obstinés dans l'Hypocrisie. Tu ne les
connais pas, Nous les connaissons" [Coran 9/101].
Tous ces Hypocrites exprimaient leur appartenance à l'islam et
faisaient serment qu'ils étaient musulmans ; ils avaient pris leurs
serments comme boucliers [cf. Coran 63/2, 58/16]."
Et Ibn Taymiyya d'écrire ensuite à propos de certaines règles de l'islam que le Prophète ne les appliquait pas à des personnes "par
ce qu'il savait au sujet d'elles, ni par l'information qu'un seul homme
lui aurait donnée au sujet d'elles, ni par la révélation seulement, ni
par les indices" : il fallait une preuve juridiquement valable
("bayyina") ou un aveu ("iqrâr")" (As-Sârim, pp. 355-356).
Certes, Ibn Taymiyya ne parle pas
là de la règle de la demande de pardon pour un défunt. Au contraire, sur
ce point, et suite à l'interdiction faite par le verset 9/84, le
Prophète devait bel et bien se fonder sur ce qu'il savait par le biais
de la révélation de telle personne – à savoir qu'elle était Hypocrite –
et ne pas accomplir alors la prière funéraire sur elle.
Mais ce qui est intéressant dans ce
propos mis en exergue par Ibn Taymiyya est que d'une part même le
Prophète ne connaissait pas tous les Hypocrites de son époque, et
d'autre part qu'il les connaissait par la révélation, et non par une
preuve juridique. Or, les autres musulmans ne reçoivent pas la
révélation ; de plus, leur perception des hommes est beaucoup moins sûre
que celle du Prophète ; c'est bien, pourquoi après le décès du
Prophète, Omar, pourtant homme doué d'une grande sagacité, ne se
référait qu'à l'absence de Hudhayfa à une prière funéraire pour savoir
si le défunt était Hypocrite, et alors, décider de ne pas se joindre à
la prière funéraire sur lui. Et si Hudhayfa connaissait un certain
nombre de ces Hypocrites, c'était parce que le Prophète le lui avait
confié : "Je vais te confier
quelque chose que tu ne diras à personne : il m'a été interdit
d'accomplir la prière funéraire sur Untel, Untel…" ;
il s'agit probablement, écrit Ibn Hajar, de ceux dont Dieu savait et
avait dit au Prophète que ces personnes, apparemment musulmanes,
mourraient en étant intérieurement non-croyantes (Fat'h ul-bârî 8/428). Mais en dehors du Prophète et de celui qu'il a informé, les autres musulmans ne peuvent rien savoir sur le sujet.
--- L'avis de Ibn Hazm
ne pose pas ce problème. Le verset 9/84 montre effectivement qu'on ne
peut demander pardon en faveur de celui qui est mort sans la foi que
Dieu agrée. Cependant, on n'est, à ce sujet, responsable que des
apparences : on vivra le principe communiqué par ce verset lorsqu'on a
en face de soi quelqu'un qui est mort sans la foi que Dieu agrée, car il
n'avait pas la foi que Dieu agrée, cela est clair ; par contre, on ne
peut, en tant que musulman autre que le Prophète, dire d'un homme
apparemment musulman qu'il est Hypocrite, appliquer alors à son égard la
règle communiquée par ce verset et ne pas accomplir la prière funéraire
sur lui ; différent encore est le cas de l'homme qui était apparemment
musulman mais qui a ensuite exprimé clairement et de façon établie qu'il
ne l'est plus : celui-là est un apostat (murtadd), et non un hypocrite (munâfiq) (cliquez ici).
Il s'agit donc d'une question de tahqîq ul-manât : le principe est
reconnu par tous – ne pas accomplir la prière funéraire sur un homme
mort en étant non-croyant (kâfir) – mais son application concrète à
propos d'un homme précis demande une preuve claire et non un simple
soupçon ; chez celui qui est mort sans la foi que Dieu agrée (kâfir),
les choses sont évidentes, mais chez l'hypocrite (munâfiq), les choses
ne sont pas établies à un point où elles pourraient servir de preuve.
En résumé, selon Ibn Hazm, on doit se fonder sur les apparences, et
selon celles-ci un hypocrite est un musulman, même si nombre des propos
qu'il a prononcés mais qu'il s'est empressé de démentir ensuite, font
s'installer un sérieux doute quant à son appartenance à l'islam : selon
l'avis de Ibn Hazm, la prière funéraire sera donc accomplie par un
musulman sur lui. Pour le Prophète, ce n'était pas la même chose : il
savait d'un certain nombre de personnes qu'intérieurement elles
n'étaient pas musulmanes, mais il le savait par révélation divine. Et,
sur ce point précis, ce savoir suffisait pour qu'il n'accomplisse pas la
prière funéraire sur elles.
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6) Que signifie "Et ne te tiens pas debout sur sa tombe", alors qu'il est établi que le Prophète a reçu de Dieu l'autorisation de rendre visite à la tombe de sa mère et l'a fait (rapporté par Muslim 976) ?
Lire la réponse à cela dans notre article parlant de la visite aux tombes.
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Un point supplémentaire :
Dieu, dans le Coran, relate que Abraham L'invoqua en faveur de Azar,
son père qui refusait de reconnaitre l'unicité de Dieu. Or il dit : "Et
la demande de pardon de Abraham en faveur de son père n'était due qu'à
une promesse qu'il lui avait faite. Puis, lorsqu'il lui devint clair
qu'il était un ennemi de Dieu, il le désavoua" (Coran 9/114) : cela ne lui devint clair que lorsqu'il sut que son père était mort incroyant (Tafsîr Ibn Kathîr).
Tant que celui-ci n'était pas mort, il y avait la possibilité de
demander à Dieu de lui pardonner, ce qui sous-entendait que Dieu le
guidait vers la foi voulue.
Or, dans un autre verset, le 60/4, on lit : "Vous avez un bel exemple en Abraham et ceux qui étaient avec lui, lorsqu'ils dirent..." ; puis, plus loin, il est dit : "Exception faite de la parole d'Abraham (adressée) à son père : "Je demanderai le pardon pour toi..."" (Coran 60/4). En fait ici l'exception ne porte pas sur
le "bel exemple" (il n'y est pas dit qu'il ne faut pas, sur ce point,
suivre Abraham qui avait promis à son père de demander le pardon de Dieu
en sa faveur). L'exception porte sur le désaveu
mentionné précédemment : il est dit que Abraham et les siens
désavouèrent ce que les incroyants faisaient d'eux-mêmes, mais que
Abraham fit quand même des invocations pour son père (tant que celui-ci
ne mourut pas incroyant).
Il est enfin à noter que si on ne peut pas prier en faveur de celui
qui est mort non-musulman, en revanche il bénéficie bien entendu de la
considération que mérite tout être humain (et il sera donc inhumé). De
plus, on peut évidemment présenter ses condoléances aux proches de ce
défunt (cf. Ahkâm ahl idh-dhimma, pp. 204-205).
Wallâhu A'lam (Dieu sait mieux).
QUESTIONS / RÉPONSES
As à vous toutes et tous :
j'ai une question qui me tourmente le cœur , mon père est mort il y à 7
ans et dernièrement j'ai fais un rêve étrange , où mon père me disait "
ne t'inquiète pas je veille sur toi " , il était gai, joyeux et habillé
en blanc , alors que c'était un mécréant pur , il ne fallait surtout
pas parler de DIEU, car il se mettait dans un colère noire.
Il me manque beaucoup !! c'est très dur !! car c'était un homme droit,
honnête , franc, avec beaucoup de qualité mais un gros défaut être un
mécréant pur !!
Donc ma question est "Peut-on prier pour un défunt non-musulman ?"
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Cela m'attriste énormément , mais d'un autre coté je suis heureuse
d'être parmi les gens qui se sont repentie , alhamdoulillah souhbanallah
Hier soir, j'ai parlé avec mon mari , qui m'a dit que c'était Allah qui
m'avait envoyer cette apparition de mon père pour que je ne m’inquiète
pas et que c'est ALLAH qui veille sur moi (pas mon père) , car si Allah
m'avait fait voir dans ce rêve où était vraiment mon père ( c'est à dire
en enfer ) j'aurais eu très peur !!
Et ALLAH EST LE PLUS SAVANT.
Qu'en pensez vous ?
RÉPONSE : Salem aleykoum wa rahmet Allah wa barakatou okhty
je répond a ta question
Il n’appartient pas au Prophète et aux croyants
d’implorer le pardon en faveur des associateurs, fussent-ils des parents
alors qu’il leur est apparu clairement que ce sont les gens de l’Enfer.
Abraham ne demanda pardon en faveur de son père qu’à cause d’une
promesse qu’il lui avait faite. Mais, dès qu’il lui apparut clairement
qu’il était un ennemi d’Allah, il le désavoua'( sourate 9/112-114).
Al-Musayyab ibn Hazn a dit: "Au moment où Abou Tâlib était à l'article
de la mort, l'Envoyé d'Allah vint le voir et trouva chez lui Abou Jahl
et 'Abd-Allah ibn 'Abî 'Umayya ibn Al-Mughîra. L'Envoyé d'Allah
s'adressa à Abou Tâlib en disant: "O mon oncle, Atteste qu'il n'y a
d'autre divinité qu'Allah. C'est là un mot dont je serai témoin en ta
faveur auprès d'Allah". Aussitôt Abou Jahl et 'Abd-Allah ibn 'Abî
'Umayya s'écrièrent: "O Abou Tâlib Vas-tu renier la foi de 'Abd
Al-Muttalib?"
L'Envoyé d'Allah ne cessa de lui proposer de prononcer la profession de
foi en répétant les mêmes mots, (tandis que les deux autres lui
répétaient les mêmes propos). Mais, les dernières paroles de Abou Tâlib
furent qu'il persistait dans la foi de 'Abd Al-Muttalib en refusant
d'attester qu'il n'y a d'autre divinité qu'Allah.
- "Par Dieu!, s'écria l'Envoyé d'Allah, je demanderai à Allah de te
pardonner, tant que cela ne me soit pas défendu". Ce fut à cette
occasion qu'Allah, le Très-Haut, révéla ce verset: {Il n'appartient pas
au Prophète et aux Croyants d'implorer le pardon en faveur des
polythéistes, fussent-ils des parents alors qu'il leur est apparu
clairement que ce sont les gens de l'Enfer}. Ensuite, Allah, le
Très-Haut, révéla au sujet de Abou Tâlib, en s'adressant à l'Envoyé
d'Allah ce verset: {Tu (Muhammad) ne diriges pas celui que tu aimes:
mais c'est Allah qui guide qui Il veut. Il connaît mieux cependant les
bien-guidés
Le mérite viens a Githa et Issa barrakAllah oufikoum