Très présents à Mayotte, le Secours catholique, les Apprentis d'Auteuil et Médecins du monde, viennent d'engager une démarche co...
Très présents à Mayotte, le Secours catholique, les Apprentis d'Auteuil et Médecins du monde, viennent d'engager une démarche commune d'interpellation des pouvoirs publics sur la question du sort réservé aux clandestins, notamment aux mineurs isolés. Parfois qualifié de «Lampedusa de l'océan indien» (en référence à cette petite île italienne de la Méditerranée, proche des côtes africaines, qui connaît de graves problèmes d'immigration clandestine), Mayotte compterait environ 60 000 sans papiers. Soit près du tiers de la population. A titre de comparaison, ce taux n'est que de 1 % en métropole.
«Cette forte pression migratoire est liée à l'attractivité du territoire dont le niveau de vie est dix fois plus élevé que celui des autres îles des Comores», explique Marie Ballestero, responsable de la Cimade à Mayotte, qui dénonce l'attitude des autorités, notamment vis-à-vis des mineurs. «Les forces de police interpellent et expulsent massivement sans tenir compte de la situation des personnes ni de leurs droits.» Le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile (Ceseda) est applicable à Mayotte depuis le 26 mai dernier, mais de manière bien plus restrictive qu'en France. Un seul exemple : les étrangers peuvent être reconduits à la frontière quelques heures après leur arrivée.
Longtemps territoire d'outre-mer, les Comores ont organisé en 1975 un référendum dans l'ensemble de l'archipel. Alors que l'ensemble des îles ont voté pour leur indépendance, Mayotte, la 3ème île, est rester dans le giron de la France... en violation du droit international ! Car, il faut le savoir, Mayotte n'est pas reconnu par l'ONU comme département français. En 1995, l'instauration du «visa Balladur» a remis en cause la libre circulation qui était de mise entre les quatre îles. Ce qui représentait jusque-là une mobilité familiale et économique est devenue du jour au lendemain «immigration irrégulière». Ce phénomène de très grande ampleur, en partie compensé par des reconduites à la frontière (21 000 expulsions en 2011), a contribué à l'instauration d'un climat délétère entre communautés. Le racisme des Mahorais à l'égard des Comoriens des autres îles est en augmentation constante.
«Les obstacles à la régularisation sont nombreux, explique Philippe Duret, président de Tama, une association locale, spécialisée dans la protection de l'enfance. Il faut faire une demande de naturalisation au tribunal en présence des deux parents, pouvoir justifier de cinq de vie continue sur le territoire, donc fournir des bulletins scolaires ou des certificats médicaux. Tout ça fait le jeu de l'Etat parce que ça lui permet d'éviter de régulariser trop de monde». Une «bombe à retardement», répètent les associations. Car, quand on n'a pas de papiers, on n'a droit à rien. Pas de possibilité de faire une formation ni de s'inscrire à Pôle emploi. Pas moyen de s'intégrer. Ne reste plus alors qu'à traîner et à survivre par tous les moyens.
Ici, la petite délinquance est reine. Les cambriolages quotidiens rythment la vie des quartiers et contribuent à créer un climat d'insécurité qui mine la vie de leurs habitants. Plusieurs rapports récents, dont celui d'Isabelle Debré, sénatrice des Hauts-de-Seine («Les mineurs isolés étrangers en France», ministère de la Justice, 2010), ont mis en lumière la situation alarmante des mineurs isolés à Mayotte. Ils seraient au moins 3 000, livrés à eux-mêmes, à comparer aux 4 à 800 mineurs isolés étrangers en France. Ce qui vaut à ce département la réputation de «plus grand orphelinat de France». Un phénomène en forte hausse ces dernières années, lié au renforcement de l'attractivité de Mayotte avec la mise en place des minimas sociaux sur l'île dans le cadre de la départementalisation. Pessimiste, un fonctionnaire de la préfecture de Mayotte ne cache pas son sentiment d'impuissance. Pour lui, «le meilleur moyen de lutter contre l'immigration clandestine serait tout simplement de rendre Mayotte aux Comores».
Lorsqu'ils sont interceptés, contrairement à la réglementation nationale et internationale, les mineurs sont directement conduits au centre de rétention administrative de Pamandzi, près de l'aéroport, où aucun espace réservé ne leur est attribué. Et il n'existe malheureusement aucune structure d'hébergement ou d'accueil de jour adaptées pour accueillir les plus en danger. A l'instar d'autres organismes pour la prévention de la délinquance à Mayotte, l'association Tama ( qui veut dire «espoir» en shimaoré) a ouvert il y a quatre ans un centre éducatif renforcé permettant d'accueillir des enfants, dont des mineurs isolés étrangers, dans le cadre de l'ordonnance de 1945, c'est-à-dire placés par l'autorité judiciaire en raison d'actes de délinquance.