L’animal perçoit le présent et l’exploite. Il a une certaine mémoire, parce que pour exploiter le présent il faut quelques repères .Mais ...
L’animal perçoit le présent et l’exploite. Il a une certaine
mémoire, parce que pour exploiter le présent il faut quelques repères
.Mais l’animal ne prévoit rien. Et moins les gens prévoient leur propre
existence, plus ils sont proches des animaux. Et c’est là où l’État doit
intervenir en essayant de voir comment la société et l’individu vont se
développer plus tard et grâce à quels moyens.
«
Parce que, en principe,
on élit à la tête de l’État des gens qui sont plus intelligents que vous
et qui sont donc capables de prévoir pour vous. C’est leur boulot. On
attend ça d’eux». Cette parole forte est de Charles de Gaulle, et est citée par son fils, dans son livre: Philippe de Gaulle: De Gaulle, mon père. Entretiens avec Michel Tauriac, Tome 2, Plon, Paris, 2004, p. 83. Autrement dit, «gouverner, c’est prévoir», et le Maréchal Hubert Lyautey avait estimé que «gouverner, c’est pleuvoir».
On ne verra donc jamais un bon dirigeant sans capacité de prévision,
sans capacité de projection dans l’avenir, sans vision d’État. Et les
hommes d’État qui croient pouvoir se passer de toute vision d’État sont
les grands recalés de l’Histoire.
Cette précision préliminaire étant faite, force est de
constater que les Comores font partie des pays qui ont été colonisés par
la France et qui ont accédé à l’indépendance à la suite d’une
déclaration unilatérale, sans consentement du colonisateur. Cette
déclaration unilatérale d’indépendance nous a permis de devancer la
volonté de la France, dont la politique coloniale était alors animée par
des Députés de Droite, désireux de reconnaître les résultats du
référendum du 22 décembre 1974 île par île, pour mettre à mal
l’intégrité territoriale des Comores, en tant que future entité étatique
unique, unifiée et unitaire.
La France faisait valoir que les Comoriens
de Mayotte avaient voté à une forte majorité de 65% contre
l’indépendance. Depuis cette date, la France fait tout pour occuper
Mayotte, en dépit du bon sens et du Droit international public. Elle a
su faire comprendre à certains hommes politiques comoriens que pour
arriver et durer au pouvoir, il faut oublier cette question épineuse,
mais primordiale pour les Comores. Depuis notre indépendance, proclamée
le 6 juillet 1975, elle a mis fin aux différents régimes politiques qui
se sont succédé aux Comores, et ce, dès que la question de Mayotte est
évoquée d’une façon réelle. Pendant la période sombre de la guerre
froide, au cours de laquelle tous les excès étaient permis, elle a fait
exécuter Ali Soilihi et Ahmed Abdallah Abdérémane, par le biais du
tristement célèbre chef de mercenaires, Robert «Bob» Denard. La
leçon a été retenue par la nouvelle génération des politiciens ayant
succédé aux premiers dirigeants comoriens. De ce fait, ils font tout
pour plaire à la France, quitte à humilier et à meurtrir leur propre
pays. Ils utilisent la question de Mayotte comme un moyen de pression
sur la France, afin d’avoir quelques miettes d’une prétendue aide
budgétaire et de quelques donations.
Interminables louvoiements, éternelles négociations avec la France
Depuis 1972-1973, les Comores sont dans une interminable
négociation avec la France. Depuis le 6 juillet 1975, ces négociations
portent sur Mayotte au regard de son retour dans son giron naturel: les
Comores. Le politicien comorien reconnaît le pragmatisme d’Ali Soilihi,
qui avait fait de la question de Mayotte le curseur de notre relation
avec la France. Pendant les trois ans de la Révolution d’Ali Soilihi, la
question de Mayotte a été l’une des grandes priorités de l’État
comorien. Le retour au pouvoir, le 13 mai 1978, d’Ahmed Abdallah
Abdéremane changea l’optique politique et l’approche sur la question de
Mayotte. Ce Président est arrivé au pouvoir grâce à la France, et avait
dit préférer la «guerre de la salive», pour duper les Comoriens
et laisser la France s’installer solidement à Mayotte. Le statut de
l’île comorienne de Mayotte évolue chaque jour, passant de celui d’une
collectivité territoriale à celui d’une «collectivité départementale» et à celui de «département». Mais nos dirigeants continuent à croire en la bonne volonté de la France, «notre amie la France», sa volonté d’aider les Comores à libérer Mayotte.
Ces dix dernières années ont été celles d’une autre approche,
qui permit à la France d’accélérer la départementalisation d’une partie
de notre territoire. Cette approche est initiée par la junte du Colonel
Azali Assoumani, et consiste à faire croire aux Comoriens qu’on doit
négocier avec nos frères Comoriens de Mayotte afin qu’ils reviennent au
sein de la mère-patrie. C’est une autre politique de duperie que la
France inculque à nos dirigeants. Le résultat de ces deux tactiques
incarnées par «la guerre de la salive» et la palabre à l’ONU
devant inclure nos frères comoriens de Mayotte, se résume par la
départementalisation et la rupéisation d’une partie de notre territoire
national, avec un lot de plus de 16.000 morts, dans le plus grand
cimetière marin du monde, celui situé sur le bras de mer entre Anjouan
et Mayotte.
Il est donc de temps de se poser la question sur l’utilité de signer des accords d’amitié avec la France.
Une visite à l’Élysée pour humilier notre chef d’État et les Comoriens
La visite officielle en France en juin de notre Président
Ikililou Dhoinine a été préparée de longue date par des hommes
connaissant la France et reconnus par elle comme des porteurs de stylos
sans imagination et sans amour pour leur pays. Les Comoriens avaient
espéré, tout au moins, un déblocage de la situation meurtrière résultant
du visa de la mort, le visa Balladur, un visa imposé par l’occupant,
pour nous empêcher de circuler sur une partie de notre territoire
national. À la surprise générale, le Président français François
Hollande nous annonce, à côté de notre cher Président Ikililou Dhoinine,
complètement dépassé par les événements et visiblement absent et pressé
d’en finir, qu’il n’était pas question de parler de Mayotte, qui est
française, d’après lui. La pire des humiliations résulte dans le fait
que notre Président n’a pas osé dire un mot sur perron de l’Élysée, afin
de dénoncer l’occupation française d’une partie de notre territoire
national.
On peut également se poser la question sur la présence de Députés mahorais à l’Élysée pendant la signature de la «Convention d’amitié».
Notre Président, le Docteur Ikililou Dhoinine, était-il au courant de
cette présence qui lui impose la reconnaissance tacite de Mayotte en
tant qu’entité française? S’il a été mis au courant de l’organisation
humiliante de cette rencontre de l’Élysée, il assumera devant l’Histoire
la conséquence de ses actes. Dans le cas contraire, il doit revoir tout
sa diplomatie, tant au niveau des hommes que de la stratégie, surtout
vis-à-vis de la France. Trop, c’est trop! C’est un acte d’humiliation
délibéré commis par la France à notre chef d’État et à notre pays, une
humiliation qu’aucun Comorien de bon sens ne peut tolérer.
Par Saïd-Abdillah Saïd-AhmedPrincipal Animateur de Comores Alternatives