Où en sont les relations entre les Comores et Madagascar ?
Où en sont les relations entre les Comores et Madagascar ?
Nous avons une représentation diplomatique à Madagascar depuis 1975, année de notre indépendance que nous célébrons ce 6 juillet. Nous avons dû repartir au milieu des années 80 pour des raisons politiques, mais depuis 1994, je dirais que les relations sont au beau fixe. Les deux pays, en plus de leur voisinage, sont unis par une longue histoire. Leur culture est très proche. On dit même que les Comores constituent la septième province de Madagascar, la dix-neuvième ethnie malgache.
Combien de Comoriens vivent à Madagascar ?*
Environ 200 000. L'accueil des Malgaches est plutôt bon, on ne se sent pas étrangers sur la Grande Île. Certains sont ici depuis des générations, traditionnellement dans le commerce. Nous importons beaucoup de produits malgaches comme l'oignon ou le haricot qui font défaut chez nous. D'autres sont ici pour des raisons médicales ou pour leurs études. Nous n'avons pas d'hôpitaux bien équipés aux Comores, pas de médecins chevronnés, pas d'université non plus.
Et les Malgaches aux Comores ?
Ils ne sont pas très nombreux, pas plus nombreux que les Comoriens vivant ici. Ils sont généralement dans les administrations, l'éducation, très rarement dans le commerce. Les Comores, avec leur superficie de 2 300 km² et leurs 900 000 habitants, sont trop petites pour accueillir plus d'immigrants. Mais on vit bien chez nous.
Il y a cette perception que les Comoriens entrent clandestinement à Madagascar…
C'est faux, trop de journaux véhiculent ce mythe de clandestins qui arriveraient en pirogues de l'archipel, au péril de leur vie. Et pourquoi le feraient-ils ? Obtenir le visa pour Madagascar est si facile, peut-être même un peu trop. Aucune procédure à suivre, pas d'enquête. Il en est de même pour les Malgaches qui veulent émigrer aux Comores. Comme je l'ai dit, les deux pays sont tellement proches qu'ils ne font qu'un pratiquement. Ces clandestins arrêtés par la police malgache avec de faux papiers, ce n'est pas pour rester à Madagascar qu'ils sont ici, c'est pour aller en France. Ils sont juste en transit ici.
Qu'en est-il des échanges commerciaux entre les deux pays ?
Malheureusement plus à l'avantage des Malgaches que des Comoriens. Les Comores ne font qu'importer, ils n'exportent pas. De toute façon, il n'y a rien à exporter sur Madagascar. La vanille, le girofle, le cacao, la patate douce, le maïs, le manioc, tous ces produits que nous cultivons chez nous, les Malgaches les produisent également, et à grandes quantités. La Grande Île a de plus ses ressources minières qui nous font complètement défaut, et sa compagnie aérienne qui relie Antananarivo à Moroni. Au plan alimentaire, nous sommes autosuffisants, pas de soucis làdessus. Pour le reste, nous comptons encore beaucoup sur l'aide de la diaspora comorienne.
Ces deux pays ont-ils un avenir commun ?
Ils ont beaucoup de potentialités et devraient s'unir sur des projets qui construisent l'avenir. Le tourisme, par exemple. Nous devons aussi travailler davantage sur le libre-échange entre les deux pays car c'est un aspect encore mal exploité malgré la bonne relation existante. Mais par dessus tout, nous souhaiterions que des médecins malgaches créent des hôpitaux ou des cliniques chez nous.
Ce serait bénéfique pour les Comores, mais aussi pour Madagascar. C'est un investissement à faire.
La bouffe
La cuisine comorienne est un mix des cuisines malgache, arabe, indienne et africaine. Elle se distingue par une alimentation à base de riz, de bananes vertes et de manioc. Chez Mama Abid, un petit restaurant situé à la Petite Vitesse, les plats comoriens sont mis en avant comme le pilao de poulet au lait de coco. Un plat traditionnel préparé à base de riz, de viande de poulet mariné et de lait de coco : des ingrédients que l'on trouve facilement à Madagascar. Tous les Comoriens connaissent Mama Abid pour ses petits plats et chaque midi, son restaurant ne désemplit pas. Pour les repas de fêtes, les Comoriens ont l'habitude de manger le mardouf ou couscouma, une sorte de galette préparée à base de farine, d'oeuf, de beurre et d'eau. Le mardouf s'accompagne de viande ou de poisson en sauce. Il remplace facilement le pain. Sans oublier les fameux samousas qui sont des beignets farcis à la viande ou aux légumes. De par ses influences indiennes, la cuisine comorienne intègre les épices dans ses plats comme la cannelle, la cardamome, le cumin ou la vanille.
La musique
Forte de ses influences yéménites et iraniennes, la musique des Comores plonge dans l'Arabie heureuse autant que dans le continent noir. Dans les mariages, on joue traditionnellement le twarab. Importé de Zanzibar, il se joue avec pas moins de 50 musiciens ! Les années 80 ont marqué l'arrivée d'un folk comorien d'inspiration plus occidentale. D'Abou Chihabi, le précurseur, à Maalesh, le petit nouveau, c'est la face engagée de la musique comorienne qui s'exprime ici. Et puis des inclassables, comme le collectif Tsenga qui brasse large, très large, entre twarab m'godro décalé , se rebwalolo ( swing comorien !), rock, reggae, rock et rap…
La déco
Broderie, joaillerie, vannerie, construction de pirogues ou de boutres, l'artisanat comorien est lui aussi le produit d'une longue tradition. En broderie, le kofia est la coiffe traditionnelle des hommes. Porté pour la prière et le grand mariage, son point d'une exceptionnelle finesse est réputé dans tout le monde arabe. Rehaussé de corail noir, le bijou en or est le bijou comorien par excellence. Hérité du travail des joailliers arabes, indiens et africains, il s'expose surtout à Moroni. Et quoi de plus comorien que les moucharabiehs, ces espèces de jalousies en bois finement ouvragés, censées apporter fraîcheur à la maison et dérober les femmes aux regards des passants…
Ali Mohamed
Propos recueillis par Solofo Ranaivo(article publié dans no comment magazine n°42 - Juillet 2013 ©no comment éditions)