Histoire - Mohamed TAKI ABDOULKARIM: Le Préféré Gagnant

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L'élection de Mohamed Taki Abdoulkarim etait un événement longtemps attendu par ses partisans comoriens tant de l'intérieur que...



L'élection de Mohamed Taki Abdoulkarim etait un événement longtemps attendu par ses partisans comoriens tant de l'intérieur que de l'extérieur. Taki avait une stature présidentielle convenable, l'élan qu'il fallait pour assumer la charge suprême. Cette personnalité restait un mythe pour certains, un gêneur pour d'autres. Il parlait peu, il détestait les bavards, il choisissait ses termes pour rassembler à sa façon, il était intransigeant quand il s'agissait d'affirmer ses convictions.

        Mohamed Taki déroutait, il surprenait et agitait beaucoup plus là où on attendait pas qu'il intervenait. On avait du mal à le suivre, à savoir ce qu'il voulait et ce qu'il ne voulait pas. Il n'aimait pas les commérages, il avait horreur des intrigues, dédaignait la mode et restait ce qu'il était avec ses costumes droits et ses pantalons à bretelles.

Cet homme savait servir, il exigeait la cohérence et la patiente, mais sa tactique ne correspondait parfois pas à la conjoncture. Taki savait rebondir au moment où il jugeait crucial, il prédisait avec son franc parlé, il avertissait, il prévoyait, il cultivait la patiente souvent considérée comme une lâcheté par certains ou comme une peur par d'autres. Il prêchait toujours le rassemblement, il insistait constamment sur l'intérêt capital de respecter les adversaires, il supportait les camps politiques dès lors que ceux ci devenaient bien distincts, il se méfiait surtout des hommes politiques qui changeaient facilement de trajectoire ou de cap lorsqu'il subissaient le moindre échec politique. La stratégie politique de Mohamed Taki mobilisait les énergies, inspirait confiance aux gens, sans qu'il sollicitait leur adhésion au combat qi'il menait souvent dans le silence. A chaque fois que l'on pensait que son parcours politique était fini, c'est à ce moment là que les simples gens redoublaient de combativité et d'espoir dans le soutien qu'il lui apportaient. Taki n'était pas, lui même, en mesure d'expliquer l'origine de ce culte que lui vouaient tant de Comoriens. Peut être que Mohamed Taki avait un côté mystique caché que nul ne pouvait découvrir.

Aussitôt arrivé aux Comores, après avoir fini en France ses études d'ingénieur, il avait affronté avec respect et fermeté Saïd Mohamed Cheikh, ancien président du Conseil de gouvernement à l'époque de l'autonomie interne. Taki avait assuré la défense des jeunes cadres, nouvellement formés à Madagascar et en France, pour qu'ils soient mieux intégrés dans l'administration de l'ancien territoire d'outre-mer des Comores. En prononçant publiquement la fameuse phrase-critique "tsasi ridja", qui veut dire littéralement "nous voici arrivés", Taki avait été nommé directeur des travaux publics de la subdivision administration d'Anjouan, mais il avait été éloigné par le président Cheikh du centre du pouvoir. C'était en quelque sorte une punition, car à l'époque le réseau d'échange et de communication entre les îles n'était pas encore développé. A Anjouan, Mohamed Taki a bénéficié de la protection du sénateur Ahmed Abdallah. Taki avait été considéré comme le premier "neveu" de "l'oncle" sénateur.

Plus on a confiance à un homme, plus il faut écouter ses conseils. Mohamed Taki avait fait sienne cette maxime, il avait accepté la proposition du président Cheikh de se lancer dans la politique. Taki avait compris aussitôt que sa phrase-critique, prononcée à Mbeni (son village natal) à l'endroit de Cheikh, avait été considéré comme un incident de parcours, donc pardonné par l'aîné, président du Conseil de Gouvernement. Jeune ingénieur placé à Anjouan, il avait accompli un travail remarquable, en définissant le tracé des routes sur cette île montagneuse.

Mohamed Taki avait ensuite regagné Moroni, il avait accédé pas à pas au rang d'homme politique, d'abord en qualité de député de la région de Hamahamet. Au moment où d'autres jeunes cadres de l'époque - notamment Mouzaoir Abdallah - animait des partis politiques, Mohamed Taki haranguait les foules rassemblées au sein de l'Union Démocratique des Comores (UDC appelée aussi "les verts"). Soutenu par le président SM Cheikh et le sénateur Ahmed Abdallah, qui étaient les maîtres à penser de l'UDC, Taki avait fait ses preuves à la fois d'organisateur collectif et de mobilisateur, il avait incarné l'image d'un dauphin. En 1969, aux élections générales des conseillers de subdivision, le parti UDC dont Taki était le secrétaire général avait remporté la majorité des sièges sur l'ensemble du territoire face à la coalition RDPC-MRANDA (Rassemblement démocratique du peuple Comorien, dénommé "les blancs" et Entraide Paysanne), respectivement dirigés par Mouzaoir Abdallah et Ali Soilihi.

(...) Taki savait être distant de ses troupes, il s'attachait de manière familière aux nouvelles têtes qu'il découvrait. Il n'entretenait ni la haine ni la rancune, il ne répondait pas aux attaques, diffamations ou injures de ceux qui l'abandonnaient, le trahissaient. Lorsque ses proches collaborateurs, notamment Achiraf Saïd Hachim et M'Madi Moegni, avaient déserté les rangs de l'UNDC pour intégrer le régime incarné par le président Djohar, Taki avait su garder son sang froid. Il avait expliqué à ceux qui voulaient l'écouter qu'un jour Achiraf et d'autres déserteurs reviendraient à ses côtés et se placeront derrière lui. C'est que l'homme recommandait toujours à ses partisans de méditer face aux actes d'autrui. Il demeurait rhétorique, il affirmait qu'il importait de savoir encaisser les coups durs, il savait respecter les décisions politiques de ceux qui le lâchaient, au point de lasser ou décourager ceux qui résistaient avec lui dans les épreuves difficiles.

(...) Mohamed Taki Abdoulkarim avait affirmé dans Afrique Express que "l'Islam est une religion libérale, qui n'admet pas l'intolérance. Faire de l'islamisme une politique, c'est aller contre l'Islam". Et il avait aussi déclaré à l'A.F.P. que "l'intégrisme, c'est l'anti-religion, et au contraire la religion prône la tolérance et la liberté". (...)
(...) De quand date l'intégrisme collé à Taki ? Ce dernier apportait la réponse. Ce qualificatif d'intégriste est, en effet, "une affaire qui date de l'élection présidentielle de mars 1990, quand Jean-Christophe Mitterand (fils de l'ancien président François Mitterand) luttait contre moi pour mettre Djohar en place. Chacun savait que je n'aimait pas les tchadors".

(...) Mohamed Taki etait qualifié de conservateur traditionaliste. Certes, il respectait la hiérarchie, il accordait une attention particulière aux vieux, qui constituaient pour lui une source de sagesse. Mais, il n'admettait ni le gaspillage des ressources financières ni la manière typiquement comorienne qui consistait à brandir l'argent et à le jeter par terre au profit des orchestres et des chanteurs invités aux festivités du grand mariage. Mohamed Taki ne cautionnait pas ceux qui avaient réalisé le grand mariage coutumier, il n'engagait pas ceux qui ne l'on n'avait pas fait à l'organiser, il n'assistait pas aux diverses cérémonies du grand mariage, même pas à celles qui avaient un caractère particulièrement religieux, comme le "Madjilis". Taki marquait sa différence et demeurait éloigné des structures et conclaves coutumiers. Il étaitt fort probable qu'il cherchait à convaincre les Comoriens à rompre avec les actes dépensiers du grand mariage, comme l'avait voulu son aîné, président SM Cheikh. Taki risquait de pratiquer le "Soilihisme" sans le chef de l'état révolutionnaire Ali Soilihi, celui qui avait réduit les festivités et limité les dépenses ostentatoires, destinées au système coutumier traditionnel du grand mariage.

Mohamed Taki était considéré comme un anti- français. Un tel jugement méritait d'être confronté aux multiples faits, qui justifiaient que Taki cherche toujours à s'affirmer sans aucune hostilité à l'égard des Français ou de la France. Mohamed Taki fustigait la domination, il détestait la subordination.
(...) Taki s'étaitt réfugié en France à deux reprises : de décembre 1984 à janvier 1990, quand il avait rompu avec le président Abdallah, et de mars 1990 à novembre 1991, lorsque Djohar avait été déclaré président de la république alors que Taki se considérait comme le gagnant.

Enfin, aussitôt désigné co-président au lendemain du coup d'état de septembre 1995, Taki avait fait appel à Jacques Chirac en des termes explicites, caractérisés par ses adversaires de néo-coloniaux.
"Comoriennes, Comoriens, vingt années d'indépendance et le bilan est négatif. Il vas falloir redresser notre pays, donner à l'état sa crédibilité à l'intérieur comme à l'extérieur et mettre notre chère patrie sur la voie du développement. Pour y parvenir me paraissent nécessaire :

- Des élections libres, démocratiques et transparentes organisées par un organisme ou des organismes internationaux,
- L'unité nationale, notre volonté de construire notre pays,
- Le sérieux des responsables à tous les niveaux,
- Notre apprentissage de l'indépendance.

(...) Comoriennes, Comoriens il apparaît qu'aujourd'hui nous sommes comme si nous accédions à l'indépendance et c'est pourquoi je fais appel à Jacques Chirac pour qu'il nous fasse le stage de cette indépendance. Le jour se lève, debout et en avant. Vive la République islamique des Comores !". Ce discours de Taki constituait une pièce maîtresse qui prouvait qu'il souhaitait toujours bénéficier de l'assistance multiforme de la France.
(...)

Mohamed Taki avait accepté de travailler sous l'autorité du prince président Saïd Ibrahim, le successeur de SM Cheikh, décédé le 16 mars 1970. Selon Taki, appartenir à un gouvernement dont les membres ne sont pas issus du même camp que celui du président est le pire des actes politiques, qu'il faut savoir assumer suivant le contexte politique. C'est ainsi qu'il avait exercé les fonctions de ministre du développement rural (1970), ministre de l'enseignement (1971). Mais très vite il avait décelé avec Ali Mroudjaé, démissionnaire de ses fonctions de ministre de l'enseignement, les failles du président Saïd Ibrahim, censuré par les députés en juin 1972. Sous Saïd Mohamed Jaffar, un autre prince-président du Conseil de gouvernement, Mohamed Taki avait encore été nommé ministre du développement rural (1972). A cause de la crise gouvernementale, Jaffar avait aussitôt été remplacé par le sénateur Ahmad Abdallah. Tous les espoirs étaient permis pour Mohamed Taki, qui restait l'un des défenseurs d'Ahmed Abdallah. Devenu l'un de ses confidents politiques, il avait été nommé ministre de l'équipement (1973, puis ministre de l'intérieur (1975).

Le 3 août 1975, Ali Soilihi a renversé le président Ahmed Abdallah après que ce dernier ait proclamé l'indépendance unilatérale de Comores, le 6 juillet 1975. Ali Soilihi n'a pas sous-estimé Mohamed Taki, qui s'est réfugié à Mbeni où il a supervisé la résistance. Taki a été arrêté, écroué avec les anciens ministres, Ali Mroudjaé, Omar Tamou - et d'autres hommes politiques civils et militaires - tous accusés d'avoir voulu attenter à la vie du chef de l'état Ali Soilihi.. Tous les incarcérés-prisonniers politiques depuis 1976, ont été libérés le 13 mai 1978, à la suite du coup d'État réalisé par Bob Denard. Le pouvoir d'Ahmed Abdallah a été restauré, et chacun de ses proches a caressé le rêve de voir ses ambitions s'accomplir.

(...) Il avait occupé, de 1978 à 1984, le fauteuil de président de l'Assemblée fédérale, haute fonction qui force le respect. Au perchoir de l'Assemblée, Mohamed Taki a usé de ses qualités de grand rassembleur pour confirmer son autorité rassurante publique.

(...) Mohamed Taki, président de l'Assemblée, avait tracé sa voie et ses objectifs, il avait entretenu à titre officiel ou privé ses relations, il avait vu se profiler à l'horizon son destin présidentiel. Mais l'esprit de la constitution de 78 a été piétiné, les institutions fédérales ont été bafouées, les hautes fonctions de la république malmenées par le raïs Ahmed Abdallah.
Au vu de cette pratique politique, qui lui faisait peur, Taki a opté pour une autre ligne de conduite. En décembre 1984, il a préféré s'exiler à Paris que rester aux Comores et subir le diktat d'Ahmed Abdallah, qui se préparait à briguer un second mandat présidentiel. >>

Suite à l'assassinat d'Ahmed Abdallah le 26 novembre 1989, il perd les élections de mars 1990 face à Djohar. Il réapparaît après le coup d'état du 28 septembre 1995, propulsé par Bob Denard, co-président de la République avec Saïd Ali Kemal.

Voici la fin du portrait.

<< Après vingt ans d'indépendance des Comores où les échecs dominaient, Mohamed Taki incarnait aux yeux des Comoriens "l'Espoir"; et il lui restait t à savoir user de ses atouts pour ne pas décevoir. Il continue toujours à croire à la nécessité d'un "Plan Marshall" qu'il avait esquissé en mars 1990 - cela faisait déjà six ans - pour amorcer le redressement des Comores. Les circonstances de l'époque exigeait qu'il définissait, sans rêve, ses priorités face au dérèglement de l'état.

Mohamed Taki avait plus de 60 ans, l'âge acceptable ou idéal pour présider aux destinées de tout un peuple. Il disposait d'un certain nombre de qualités qui laissaient penser que, vraisemblablement, les Comoriens avaient voté à 64,29% pour lui de manière à ce qu'il lançait les grandes réformes. (...)

Il restait à Mohamed Taki Abdoulkarim de prouver par sa politique économico-sociale et juridico-institutionnelle qu'il était - parmi les hommes qui avaeint présidé aux destinées des Comores depuis 1975 - le président, préféré des Comoriens.>>

Mohamed Taki Abdoulkarim, né le 20 février 1936 à Mbéni (Grande-Comore, dans l'archipel des Comores) et mort le 6 novembre 1998 à Moroni, est un homme d'État comorien. Il est Président de la République fédérale islamique des Comores du 25 mars 1996 à sa mort.

Biographie

Mohamed Taki Abdulkarim est né à Mbéni (Grande Comore), il est issu d'une famille privilégiée, petit-fils du Djumbé Fumu, descendant du sultan Msa Fumu. Il part faire ses études à Madagascar puis en France où il obtient un diplôme d'ingénieur en travaux publics. De retour aux Comores, Said Mohamed Cheikh le nomme responsable des travaux publics à Anjouan ou il fait la connaissance d'Ahmed Abdallah.

Carrière politique

  • 1970 : ministre du développement dans le deuxième gouvernement de Said Ibrahim Ben Ali
  • 1971 : ministre de l'éducation
  • 1972 : ministre du développement rural sous le gouvernement de Saïd Mohamed Jaffar
  • 1973 : ministre de l'équipement sous Ahmed Abdallah dont il est proche
  • 1975 : ministre de l'intérieur
Il se réfugie à Mbéni lors du régime d'Ali Soilih, résiste par une pratique de désobéissance civile, et finit en prison après l'intervention des mercenaires.
  • 1978 : secrétaire du Conseil du directoire présidé par Ahmed Abdallah
  • 1978-1984 : président de la Chambre des députés
Il rompt avec Abdallah et se réfugie en France.
  • 1990 : retour au pays et candidat aux élections après la mort d'Abdallah; Said Mohamed Djohar élu après 3 tours car des fraudes ont été commises
  • 1992 : vu comme l'homme de la France dont Djohar essaie de se rapprocher; nommé responsable de l'action gouvernementale
  • 1995 : prend le pouvoir avec Said Ali Kemal après le coup d'État de Bob Denard
  • 1996 : élu président des Comores
  • 1998 : décède dans des circonstances qui paraissent étranges (les soupçons allaient naturellement vers Bob Denard dont Taki avait peu de temps auparavant refusé le retour)
Le bilan de son action en tant que président est vivement critiqué : les pénuries qui se sont multipliées et systématisées, l'indépendance d'Anjouan qui a été déclaré ainsi que le musellement total de la presse et des partis d'opposition n'ont pas laissé un bon souvenir. Son gouvernement s'est accompagné aussi d'un certain nombre de mesures symboliques car souvent inapplicables, marquant un désir de retour vers l'islam : interdiction de vente d'alcool, des mini-jupes, remplacement systématique des mots d'origine française par des mots d'origine arabe dans les discours, etc. Après sa mort, le pays entre alors dans une période d'instabilité politique et institutionnelle qui conduira à un nouveau coup d'État en1999.
Nom

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